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Chapitre 17 – Rumeurs

Traduction française par Tian Wangzi

Jing Shao fut abasourdi un long moment avant de comprendre que sa WangFei souhaitait lui emprunter de l’argent. Il ne put s’empêcher de lever un sourcil, et il tira Mu HanZhang vers le bureau du pavillon TingFeng[1], d’où il sortit une petite boîte ébène aux reliures dorées. « Prends ça. Dis-le-moi si ça ne suffit pas. »

« Il est arrivé quelque chose à la famille de ma nourrice, et je n’ai pas d’argent sous la main. » Mu HanZhang baissa la tête. « Quand nous récupérerons l’argent des taxes, je te rendrai l’argent. » En parlant, il ouvrit la petite boîte. Elle contenait environ 100 taels d’or et d’argent. Il y avait aussi cinq tickets de banque d’une valeur de 1 000 taels chacun, pour un total de 5 000 taels.

« Répète ce que tu as dit?! »  En entendant ça, Jing Shao se fâcha soudainement. Il étira la main pour pincer le menton de Mu HanZhang, le forçant à le regarder.

Mu HanZhang sursauta de frayeur. Il regarda sans comprendre la colère de Jing Shao. Réalisant qu’il avait eu tort de dire à son mari qu’il allait le rembourser, il pinça les lèvres : « Les récoltes à Zhuangzi ne sont pas bonnes. Avec ces 5 000 taels, dix ans ou 20 ans ne suffiront pas. »

Évidemment, il venait de déclarer qu’il ne pourrait pas rembourser, mais étrangement, l’humeur de Jing Shao s’améliora notablement, bien qu’il continuait à lui pincer le menton. « Viens me voir quand tu as besoin de quelque chose, c’est ma responsabilité de te soutenir. » Après avoir terminé de parler, il embrassa ces lèvres toujours pincées, puis il repartit pour reprendre son entraînement à l’épée.

Mu HanZhang regarda la boîte ébène dans ses mains et soupira légèrement.

Il y prit 100 taels et les donna à Lan Ting pour qu’elle envoie un garde impérial les porter à la ferme. Mu HanZhang regarda cet argent de poche plutôt généreux, et son esprit s’illumina. Ce que Bei WeiHou lui avait donné en propriété, c’était principalement des terres infertiles ou des champs dont les récoltes sont pauvres, et aucune boutique en ville.

La mère de Mu HanZhang venait d’une famille de marchands. Même s’il ne pouvait pas participer aux débats ou faire reconnaître ses talents, il pouvait quand même tenir les comptes. Jing Shao lui avait donné 5 000 taels, c’était suffisant pour acheter un restaurant dans la capitale. Il pourrait aussi acheter une petite boutique avec une partie de l’argent, au moins il ne mangerait pas de l’air assis au sommet d’une montagne.

Mu HanZhang rangea la boîte d’ébène, et décida de sortir pendant les deux prochains jours pour voir quelles affaires étaient disponibles. De son vivant, un gentilhomme doit s’installer et travailler à sa carrière.

Avec ce plan en tête, l’humeur de Mu HanZhang s’améliora. Bien sûr, une autre chose lui faisait plaisir; c’était qu’on était le 15 mars, et selon le petit livre avec la fleur, ce jour-là Jing Shao devait se rendre à la chambre de la seconde épouse. Ces derniers jours, Jing Shao ne cessait de le taquiner, de l’embrasser, de l’enlacer. Il était aussi un homme, il savait à quel point il était facile de perdre le contrôle si ça continuait ainsi. Alors tous les soirs, il avait peur, et il attendait que Jing Shao s’endorme avant de pouvoir à son tour s’endormir.

Après le souper, Jing Shao rejoignit sa WangFei pour aider à la digestion. Mu HanZhang lança un regard lourd de sens à Duo Fu. Ce dernier grimaça avec embarras et laissa tomber un léger soupir : « WangYe, WangFei a décidé de l’horaire il y a quelques jours, et ce soir, vous devez vous rendre au pavillon de la seconde épouse. »

Jing Shao leva la tête vers le visage grimaçant de Duo Fu : « L’horaire? Qu’est-ce qui a été décidé? »

« Tous les mois, tu restes la première moitié du mois au jardin est, et la seconde moitié au jardin ouest, neuf jours avec la seconde épouse, et trois jours avec chacune des autres concubines. » Mu HanZhang lui remit le livre à la pivoine.

Jing Shao fit la moue : « Je n’ai pas envie, ce soir. » Après avoir dit ça, il bâilla et grimpa dans le lit.

Mu HanZhang ne put rien faire. Il se dit qu’il s’était entraîné longtemps à l’épée, alors il n’y pensa plus. Il lut encore un peu avant de grimper au lit à son tour. Dès qu’il réalisa qu’il était couché, Jing Shao se tourna pour presser son corps sous lui.

« WangYe… » Mu HanZhang se crispa soudainement.

Jing Shao étira la main et tira pour faire baisser le rideau. Mu HanZhang devint encore plus nerveux, ses deux mains sur l’épaule de Jing Shao. N’avait-il pas dit qu’il n’en avait pas envie, ce soir?

Trouvant la réaction de la personne sous lui intéressante, Jing Shao s’approcha lentement. Il déposa un léger baiser sucé sur le côté de son cou avant de relever la tête pour le regarder. Il vit ses yeux bien fermés, et ses cils qui ne cessaient de trembler. Ne souhaitant pas l’effrayer davantage, il roula de côté et le prit dans ses bras : « Si tu me laisses te toucher, je te laisserai tranquille ce soir. »

En entendant des mots aussi crus, Mu HanZhang rougit soudainement : « Toucher… toucher où? »

« Eh bien… la dernière fois, c’était là. » Le doigt de Jing Shao glissa sur cette belle clavicule. En sentant le corps dans ses bras se crisper de peur, il tira doucement sur ce col pour l’ouvrir un peu. « Alors je pourrais descendre juste un peu, d’accord? »

Mu HanZhang se mordit la lèvre inférieure. Piégé, il ne savait pas quoi répondre, alors Jing Shao acquiesça pour lui. Avec joie, il passa ses griffes de loups sous les vêtements de son épouse. Les larges mains avec de légères cornes caressèrent doucement ce torse blanc. Tout en cherchant la position des deux petits boutons, Jing Shao soupira sous la douceur de cette peau.

« Wu… » Mu HanZhang tourna le dos à Jing Shao et serra fortement la couverture. Il laissa cette main vagabonder sur son corps jusqu’à ce que deux doigts pincent un de ces petits boutons. « Hm… Non… » Un frisson explosa à partir de ce point, et tout son corps trembla de manière incontrôlable. Il ne put s’empêcher d’attraper cette main coupable.

Jing Shao n’était pas du tout embarrassé d’avoir été pris alors que ses caresses s’étaient transformées en pincette. Il sourit et embrassa le front de la personne dans ses bras. Il le recouvrit avec la couverture et l’enlaça, le caressant doucement avec bonheur avant de s’endormir.

Ainsi, pendant plusieurs nuits de suite, Jing Shao était fatigué, il disait qu’il était déjà trop tard de toute façon, et trouvait une raison ou une autre de rester au jardin est. Mu HanZhang se dit que Jing Shao n’aimait pas Song Shi, alors il ne le pressa plus, mais il se dit qu’il devrait donner plus de jours aux deux autres concubines le mois prochain.

Au départ, Jing Shao devait retourner à la cour le 18 mars, mais sa pétition fut repoussée de quelques jours, alors au matin du 20 mars, Sa Majesté Cheng Wang dormait encore collée contre son épouse.

Se réveillant tôt le matin avec une grande main vagabondant sur sa poitrine, Mu HanZhang ne put que soupirer, exaspéré, et retirer cette main de son chandail avant de lentement s’asseoir.

Ayant été bougé ainsi, Jing Shao étira de nouveau la main pour le caresser, confus. Il enlaça la taille de l’homme à ses côtés et ferma les yeux, continuant à dormir.

« Tu ne vas pas à l’autre résidence aujourd’hui? Tu ne te lèves toujours pas? » Mu HanZhang le repoussa, exaspéré.

« Je suis pas pressé. » Jing Shao marmonna en enterrant sa tête dans la taille de son épouse.

« Demain, tu dois retourner à la cour, il vaut mieux terminer de gérer tes affaires aujourd’hui. » En voyant son oreille exposée, Mu HanZhang ne put résister à l’envie d’étirer la main pour la tirer. « À entendre l’accent de Ren Feng, il ne vient pas de Beijing. Comment est-il devenu le commandant de tes gardes? »

« C’était au départ un combattant vagabond du Jianghu[2]. Par manque d’argent, il a décidé de se laver les mains et de me suivre pour faire le bien. » Jing Shao ouvrit les yeux, mais resta couché.

Du Jianghu? Comme ces héros des légendes fictives? Ça existe vraiment? En l’écoutant, Mu HanZhang ne put s’empêcher d’être curieux.

« Le Jianghu existe vraiment, mais les livres exagèrent. » Jing Shao se tourna et sortit du lit en s’étirant. « La prochaine fois, je t’emmènerai voir ces guerriers du Jianghu. » Il avait fait des préparations, demandant à Ren Feng de recruter des gens talentueux du Jianghu. Selon ses expériences de sa vie précédente, en l’an 14 de l’ère Hong Zheng, soit l’an prochain, la troisième bataille allait débuter. Il devait être bien préparé au préalable.

Jing Shao sortit, et comme Mu HanZhang n’avait rien à faire, il emmena Yun Zhu pour se promener.

Tous les jours, la rue principale de la capitale est extraordinairement animée, autant du côté des vendeurs d’alcool, des prêteurs sur gages, et des boutiques d’antiquité que des plus petites échoppes comme les vendeurs d’arts et les souffleurs de sucre.

« Jeune maître, il est tard, nous devrions chercher un endroit où manger. » Yun Zhu se dit qu’il n’était pas seul à être affamé, alors il lui fit la suggestion. À l’extérieur, il ne devait pas l’appeler WangFei, alors il l’avait jeune maître comme Lan Ting.

Mu HanZhang sourit en regardant le glouton Yun Zhu : « Où va-t-on manger? »

« Naturellement, à Huiwei. » Yun Zhu s’anima. « Mais il faut y aller maintenant, ce sera plein plus tard. »

Même si Mu HanZhang ne sortait pas souvent, il avait entendu parler de Huiwei. Le restaurant, ouvert il y a deux ans, prospérait dans la capitale particulièrement à cause de ses spécialités venant de la plaine centrale.

La décoration du restaurant n’était pas la plus délicate, mais l’endroit était propre et élégant, et de nombreuses tables et chaises avaient été ajoutées suite au succès des affaires du restaurant. Peu de temps après qu’ils prirent place, les tables aux alentours commencèrent à se remplir, puis le restaurant fut plein.

« Jeune maître, savez-vous qui est le propriétaire de ce restaurant? » Yun Zhu murmura à l’oreille de Mu HanZhang.

« Qui est-ce? » Mu HanZhang prit une gorgée de thé, ses yeux se posant sur le jeune trésorier qui faisait les comptes derrière le comptoir. L’homme était grand avec un visage résolu, mais il portait étrangement des robes vert émeraude.

« Cet homme est l’épouse de l’aide-ministre au Ministère du Revenu, » dit Yun Zhu secrètement. L’aide-ministre au Ministère du Revenu vient du sud, il est très beau et imposant, mais un peu petit, alors que son homme épouse était un grand homme puissant venant du nord. Les collègues à la cour ne cessaient de se moquer de cet homme.

« Oh? » En entendant cela, les yeux de Mu HanZhang s’illuminèrent. Si l’homme épouse de l’aide-ministre pouvait ouvrir un restaurant, combien de boutiques pouvait-il ouvrir sans lancer de rumeurs, hein? En y pensant, Mu HanZhang se dit qu’il pourrait se lier d’amitié avec cette personne, mais il ne connaissait pas l’état de la relation de Jing Shao avec l’aide-ministre, alors il ferait mieux de rentrer pour s’en informer.

« Hé, tu as entendu ça? Récemment, la rumeur dit que le quatrième prince mange de la chair humaine. » Un homme à la table d’à côté murmura à son compagnon.

« C’est dégoûtant. J’ai entendu dire qu’il aimait manger du placenta. Certains officiers aiment aussi en manger, » le corrigea l’homme à ses côtés.

« Ah ah, vous ne savez pas ce que je sais. » Un homme à une autre table entendit leur discussion, éclata de rire, et mystérieusement, il se pencha vers eux pour dire : « Le quatrième prince est né avec une certaine maladie. Un prêtre daoïste lui a dit qu’il devait manger un bol de soupe avec de la chair de nouveau-né tous les ans s’il veut avoir une longue vie. »

Mu HanZhang baissa la tête et but son thé en silence. La cour était ouverte, il était possible de prendre un homme pour épouse, alors les histoires de la famille impériale se répandaient vite. Il ne savait pas quelles rumeurs Jing Shao avait demandé à ses gens de répandre, mais elles étaient devenues tellement bizarres!

L’auteure a quelque chose à dire :

Vite, avant que les lumières ne s’éteignent, c’est dangereux~


[1] Littéralement, « Écouter le vent »

[2] Jianghu, une section de la société qui fonctionne en marge de la société principale, contenant les mercenaires, les diverses personnes qui visent à atteindre l’immortalité, les Daoshi, les immortels, les ermites, mais aussi les assassins, les tueurs à gages, etc. C’est aussi le monde dans lequel les histoires de type Wuxia/Xianxia se déroulent.

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