Traduction française par Tian Wangzi
Le soleil couchant était comme le sang, comme un drapeau de vin ardent.
Le mur d’enceinte sinueux s’étendait dans les contrées sauvages, comme le fil aiguisé d’une dague, une lame prête à trancher la gorge.
Au coin d’un mur, une meute de chiens sauvages se rassemblait.
Alors que la lumière du coucher du soleil passait au-dessus du mur pour tomber sur la viande cuite qu’ils dévoraient, je fis un pas vers l’avant.
Les chiens me terrifiaient, mais j’avais si faim que mon appétit l’emporta sur la peur, et je m’avançai dans le cercle du combat violent des chiens sauvages.
Un large chien portant une clochette en bronze porta son attention sur moi. Je tenais un bâton en bambou que j’avais ramassé, me disant que tant que l’ennemi ne bougerait pas, je ne bougerais pas.
Le chien noir agitait la queue, me fixant d’un air féroce. Soudainement, il mordit le bout de mon bâton en bambou. Je lâchai rapidement prise, attrapant une cuisse de poulet cramée sur le sol avant de partir en courant.
La meute de chiens sauvages se redressa vivement, me pourchassant en aboyant.
Bientôt, je ne fus plus capable de courir. Titubant, je trébuchai contre une roche sur le sol.
Un chien se jeta sur moi. Je me défendis sans cesser de reculer. Soudainement, un large chien se refléta dans ses pupilles.
Mon esprit se vida, et l’instant suivant, la tête du chien tomba dans mes bras, le sang se répandant sur moi.
Après un long moment sans réaction, je repoussai la tête du chien en hurlant et en pleurant.
Il se tenait le dos au soleil couchant, me regardant en silence. Au bout d’un moment, il s’avança vers moi, et les sourcils froncés, il utilisa mon manteau pour essuyer le sang sur son épée.
Je pleurai alors qu’il retirait mon manteau, je pleurai alors qu’il essuyait sa lame, et je pleurai encore alors qu’il lançait un talisman de feu pour brûler mon manteau.
Mais il continua de m’ignorer.
Enfin, je fus fatigué de pleurer. Je fis un geste pour attraper la cuisse de poulet que j’allais mettre dans ma bouche, mais soudainement, je sentis que mes mains étaient engourdies, et le poulet retomba au sol.
Je regardai cet homme. Je voulais pleurer encore, mais aucun son ne sortait.
Je ne cessai pas de sangloter, me disant qu’il n’existait pas sur cette terre quelqu’un de plus pitoyable que moi.
Il laissa tomber un soupir, puis il me mena dans une taverne un peu comme s’il manipulait une marionnette en me tenant par la nuque, et il me jeta dans une bassine d’eau chaude.
L’éraflure sur mon coude me faisait mal, mais ça n’avait pas d’importance. Ma mère m’avait dit qu’il fallait faire preuve de patience dans un environnement qui ne nous est pas familier.
Je restai dans la bassine un quart d’heure. L’eau au départ chaude se refroidit.
La bassine était haute et grande, et je n’arrivais pas à en sortir seul puisque mes jambes étaient trop faibles. Je plongeai ma tête dans l’eau, me sentant particulièrement offensé à ce moment. Puisque les chiens ne m’avaient pas mordu à mort, alors autant me noyer.
Je fis un rêve. Dans ce rêve, ma mère était encore là, elle était assise sur le récif et me pinçait le visage.
Elle était vraiment belle.
Dans mon rêve, je semblais être porté par un large nuage blanc, moelleux, doux et confortable.
Après un moment, j’ouvris les yeux et regardai d’un air vide le motif à la tête du lit. Tout m’était complètement étranger.
Ce n’est qu’après un long moment que j’appris que Su Zezhou m’avait emmené au mont Cuiwei.
Le mont Cuiwei, la plus haute montagne spirituelle du monde, est considéré comme un lieu sacré par les Xiuxian. La secte Qingxu y est forte, et tous les cinq ans, ils ouvrent leurs portes afin de choisir de nouveaux disciples, ce qui est un grand événement apprécié de tous.
Il était très difficile d’entrer dans la secte. Puisque Su Zezhou avait enfreint les règles pour me faire entrer, il avait causé beaucoup d’insatisfaction.
Article 24 des règles de la secte Qingxu : Peu importe le statut à la naissance, ceux qui entrent dans la secte Qingxu doivent passer par le royaume secret de la pratique pure.
C’est ce que j’ai entendu de la bouche de Lu Yan, le descendant direct de la famille Lu, la plus grande des quatre familles. Son principal passe-temps était de mener un groupe de connards pour m’intimider.
« Lorsque Shixiong est parti, il a dit que tu ne faisais pas partie de la secte Qingxu. Je crois qu’il te garde juste comme un jouet, rien de plus. » Tenant sa main, Lu Yan se reposait contre un arbre d’un air satisfait. « Les chatons et les chiots servent à amuser les gens. Lin Yunpu, mets-y un peu plus d’entrain. »
Lin Yunpu était mon aîné de quelques années, et il avait l’air très fort. En entendant l’ordre, il poussa immédiatement ma tête profondément dans l’eau du bassin.
Je tentai de résister, faisant éclabousser de l’eau partout. À court d’énergie, je fermai les yeux, résignés. Une série de bulles remonta à la surface du bassin.
Alors que j’étais à l’article de la mort, Lin Yunpu me relâcha soudainement. Je glissai et m’effondrai au sol, comme un chien mouillé.
Ce n’était pas assez pour Lu Yan, mais je ne me cultivais pas et mon corps était faible. Il n’osait pas me tuer, mais il s’avança en souriant pour me donner un coup de pied dans les jambes, avant d’utiliser un sort pour retirer les marques et les blessures sur mon corps.
Il ne restait plus de traces, mais la douleur restait.
Ce genre d’événement, c’était à peu près mon quotidien pendant six mois.
J’avais oublié que depuis mon arrivée à la secte Qingxu, je n’avais pas revu Su Zezhou une seule fois.
Au sud, de féroces dragons volants avaient dévoré la population de plusieurs villages. Comme les personnes qui avaient d’abord été envoyées sur place n’arrivaient pas à les contenir, Su Zezhou avait dû s’y rendre en renfort.
Une fois l’incident avec les dragons volants réglés, la secte avait enfin reçu des nouvelles. De terribles bêtes tentaient de fracasser de l’intérieur la barrière qui scellait la vallée démoniaque, la fragilisant. Comme elle pouvait se rompre à tout moment, Su Zezhou avait dû s’empresser pour la renforcer.
……
Le cœur de Su Zezhou était attaché au petit peuple, et il dévouait sa vie à suivre la bonne voie.
Je me recroquevillai sous la fenêtre de l’académie au sommet de la montagne, écoutant le discours des enseignants. Je ne pus m’empêchai de toucher ma nuque, là où Su Zezhou m’avait pincé à ce moment-là.
Zezhou-xianjun, qui était attaché au monde mortel, ne m’avait pas seulement sauvé, il m’avait aussi pincé la nuque.
Un homme à la bouche brisée sur la montagne m’avait dit qu’il y a des centaines de millions de gens qui souffrent sur cette terre. Su-shixiong devait m’apprécier seulement parce que je restais beau même si j’étais incroyablement pitoyable.
Naturellement, je savais que j’étais beau, puisque ma mère était une sirène, une race réputée pour ses brillantes couleurs.
En grandissant, les traits des sirènes grandissent un peu en proportion avec leur âge, alors que les côtés ne changent pas.
Ainsi, je savais de quoi j’aurais l’air dans quelques années.
Mais je ne croyais pas que Zezhou-xianjun était une personne aussi superficielle, je devais certainement avoir quelque chose à offrir.
Peut-être que j’avais de vraiment bons os, ou que j’étais un génie qu’on croise rarement dans le monde des immortels.
Je m’attendais secrètement à ce que Su Zezhou revienne au mont Cuiwei pour m’enseigner comment me cultiver.
Je voulais me cultiver, je ne voulais plus que les autres disent que j’étais inutile.
Lu Yan avait récemment reçu une mission pour la secte, il devait descendre de la montagne pour coincer un démon aquatique dangereux. Je l’ignorais alors, mais le jour de leur départ, ils me firent monter sur un bateau volant.
Le bateau volant s’envola au-delà des nuages. J’étais encore jeune, alors voir les nuages blancs tout autour piqua ma curiosité.
Lu Yan était à l’intérieur, et Lin Yunpu somnolait à la poupe. Personne ne me prêtait attention, alors subtilement, je me rendis à la proue pour regarder en bas avec curiosité.
À travers l’espace entre les nuages, on pouvait apercevoir du vert luxuriant, comme un vaste océan vert sans limites.
Soudainement, je sentis une douleur perçante à mon coccyx. Je voulais tourner la tête, mais la seconde suivante, Lin Yunpu m’avait envoyé par-dessus bord d’un coup de pied.
Je savais déjà qu’ils n’avaient pas de bonnes intentions, mais je ne les croyais pas aussi vicieux.
Je chutai de plus en plus vite, et encore plus vite. Je manquais de temps pour réfléchir, et je n’avais plus qu’une seule idée en tête.
Si je mourais, est-ce que j’allais pouvoir revoir ma mère?
Après un court instant, je sentis que je chutais moins rapidement, m’arrêtant presque complètement. J’étais soulagé, croyant que je venais d’échapper de justesse à la mort.
Mais soudainement, je recommençai à chuter comme une pierre. Je fermai les yeux de frayeur.
Je tombai au sol, mais ça ne me fit pas mal. Je sentis de la douceur sous mon corps. M’empressant de me relever, je réalisai que je pressais une personne au sol.
Un beau jeune maître.
Le jeune maître était habillé de noir, un pendentif en jade pressant sur son col argenté, plusieurs fleurs sauvages et épineuses rouges brodées sur son ourlet.
Je me doutais qu’il était aussi du clan des sirènes, sinon, pourquoi me ressemblerait-il?
Même Zezhou-xianjun était légèrement moins beau que lui.
Le regard du jeune maître était particulièrement féroce. Je n’osai pas bouger, restant figé sur place.
Le jeune maître ne dit pas un mot.
J’avais un peu peur. Assis sur ses genoux, je baissai la tête, encore plus terrifié à l’idée de parler.
Après un long moment, je sentis que mes jambes étaient engourdies.
Timidement, je relevai la tête pour le regarder.
Le jeune maître me dévisagea, puis il me releva fortement avant de se redresser lui-même.
Je me dis qu’il devait savoir que mes jambes étaient engourdies, puisque mes yeux étaient très expressifs.
Il cracha une gorgée de sang et dit : « D’où sort ce petit animal qui a l’impertinence d’attenter à la vie de Sa Majesté? »