Traduction française par Tian Wangzi
Je ne suis pas un petit animal, et selon les données des sirènes, j’ai déjà 100 ans.
Les sirènes grandissaient lentement, et après 100 ans elles avaient l’apparence d’un enfant humain de dix ans. C’était encore plus le cas pour la croissance mentale. On restait dans l’océan salé très longtemps, alors la plupart des membres du clan étaient vraiment très stupides.
En y pensant, je recommençai à être triste. Les sirènes avaient été massacrées, et ma mère avait été gravement blessée. Elle m’avait emmenée à l’est, à Xizang, pour nous cacher. Mais après avoir lutté aux portes de la mort plusieurs années, elle avait finalement succombé.
J’étais devenu la dernière sirène au monde.
« Pourquoi tu pleures? » me demanda le jeune maître.
Je m’empressai de lui tourner le dos et de couvrir mes yeux en marmonnant d’une petite voix : « Je ne peux pas pleurer, je ne peux pas pleurer… »
Je ne pouvais pas me retenir; les larmes coulaient comme un fil de perles brisées.
Je sentis l’humidité sur mon visage, et je me dis que je pouvais bien pleurer maintenant. Avant la mort de ma mère, ma lignée avait été scellée avec le grand trésor du clan des sirènes, et personne ne pouvait découvrir mon identité.
Mais j’étais terrifié à mort. À part cette fois où les chiens errants m’avaient fait si peur que j’en avais pleuré, peu importe à quel point Lu Yan et son groupe m’intimidaient, je n’avais jamais versé une larme.
Les arbres aux alentours dépassaient les 100 chi de haut, et la dense canopée était entièrement en fleurs, comme si on cherchait à couvrir le ciel. Je restai là sous un arbre à verser des torrents de larmes.
Mes sanglots surprirent les oiseaux aux alentours qui quittèrent leurs nids en battant des ailes.
Derrière mes larmes, je vis le jeune maître me pincer la joue et dire d’un ton menaçant : « Interdiction de pleurer; si tu pleures encore, je te mange! »
J’avais si peur que j’avalais un hoquet, et je mis un bon moment pour cesser de m’étouffer.
Le jeune maître se reposa lâchement contre un arbre, me lançant un regard de temps à autre.
Avec prudence, je le regardai dans les yeux, essayant de lire dans ses pensées.
Je ne pouvais rien voir, son niveau de pratique était bien trop élevé, et son esprit était aussi dur que le rock. Quand Su Zezhou m’avait sauvé, les mots que j’avais entendus, c’était parce son esprit fluctuait. Sinon, je n’aurais jamais pu les entendre.
Quand j’eus cessé de pleurer, le jeune maître demanda : « Quel groupe t’a envoyé? »
Sans attendre ma réponse, il fronça les sourcils et marmonna à voix basse : « La récente rébellion des bêtes démoniaques de la région Xuan était extrêmement dangereuse, envoyer ici un enfant qui ne se cultive pas, n’est-ce pas l’envoyer à sa mort? »
Je répondis : « On m’a jeté par-dessus bord. »
En voyant que le jeune maître me regardait, je parlai plus fort : « Lu Yan, de la secte Qingxu, et son petit serviteur, Lin Yunpu, m’ont jeté par-dessus bord de notre bateau volant. »
« La secte Qingxu? » Le jeune sourit, puis demanda : « Pourquoi rendent-ils la vie difficile à un petit enfant? »
Le jeune maître était très féroce, mais il avait un magnifique sourire. Je n’avais pas vraiment parlé à personne depuis longtemps, alors je commençai à lui raconter toute la situation.
Lorsque j’en arrivai à parler de Zezhou-xianjun, son visage montra de l’admiration.
Après m’avoir écouté, le jeune maître me regarda avec un sourire qui n’en était pas un, ce qui me terrifia. Je pris l’initiative de lui demander : « Qui es-tu? Quel est cet endroit? »
Le jeune maître regarda aux alentours un moment, l’expression alarmée, décrivant les terrifiantes légendes de la région Xuan avec une abondance de mots. Il baissa délibérément la voix, imitant par moment le cri de certains monstres.
Alors qu’il parlait, la brume se leva sur la forêt. Je pouvais seulement voir l’arbre le plus proche, ne pouvant rien voir au-delà. Les feuilles bruissaient, rendant les environs encore plus inquiétants.
J’écarquillai les yeux de terreur.
À la fin, le jeune maître dit sans y penser : « Je m’appelle Xie Lin. »
Il se prépara à partir, et je le suivis aveuglément, luttant à traverser les buissons qui m’arrivaient à la taille et trébuchant contre les branches.
Xie Lin s’arrête et tourna la tête pour dire : « Ne me suis pas. »
Le brouillard devint plus dense. Je ne pouvais pas voir clairement son expression. Je m’inquiétais à l’idée qu’il me laisse derrière, alors anxieusement, je lui demandai de m’emmener avec lui.
Xie Lin refusa.
Je trouvai le courage de mentir : « Je suis le fils adoptif de Zezhou-xianjun. Quand je serai grand, je l’épouserai, il m’a adopté pour ça. Si tu m’aides, il te donnera une récompense. »
Le rire de Xie Lin retentit dans la brume, clair, très plaisant à entendre.
Il dit : « Alors, c’est le futur mari que Su Zezhou a adopté, comme c’est irrespectueux. »
Xie Lin ne pouvait pas s’arrêter de rire, il s’étouffa même quelques fois sur ses rires.
Je pensais qu’il se moquait de moi, alors je rougis d’embarras.
Après un court instant, la brume se dissipa.
Xie Lin s’assit sur place. Il se reposa contre le tronc d’une grande plante, les jambes croisées, agitant les jambes. Il leva le menton vers moi, me faisant signe d’approcher.
Je fis quelques pas vers lui.
Xie Lin dit : « Ton futur mari m’a blessé il y peu de temps. Pendant que je me remettais de mes blessures, tu t’es écrasé sur moi. Remettons la balance à zéro. »
Alors, Zezhou-xianjun et lui étaient en guerre ensemble? Mon cœur manqua un battement, et je lui posai une question stupide : « Tu es une mauvaise personne? »
Xie Lin dit légèrement : « Je suis si mauvais, des petits comme toi, j’en mange une centaine tous les jours. »
Il mange aussi les gens!
Mes jambes tremblaient. Lentement, je commençai à reculer, puis lorsqu’il ne me prêta pas attention, je fis demi-tour et me mis à courir.
La voix de Xie Lin retentit derrière moi : « Petit, pourquoi t’enfuis-tu? »
Je fis la sourde oreille et courut désespérément en ligne droite sur deux li[1].
Les branches me fouettaient, et des épines et des chardons s’accrochaient à mes vêtements, mon visage, mes bras et mes jambes. J’étais couvert de grafignes sanglantes.
Mes jambes semblaient s’engourdir. Je m’appuyai contre un arbre pour reprendre mon souffle, regardant derrière moi en tremblant de peur.
Heureusement, il ne m’avait pas rattrapé.
Je fis une pause un moment. Je tournai la tête pour essayer de voir la route devant moi quand soudainement, je tombai sur un tigre.
Il n’était qu’à quelques mètres de moi, la bouche grande ouverte révélant sa langue écarlate. Il haletait, et je pouvais sentir l’odeur fétide de son souffle.
Le tigre fit un pas en avant.
J’étais si terrifié que je ne savais plus comment m’enfuir.
Alors que je pensais que ma fin était arrivée, j’entendis la voix de Xie Lin : « Qiong Qi, viens ici. »
La menace fut soudainement effacée.
Xie Lin dit : « Avec tes petites pattes, où peux-tu t’enfuir? »
Convaincu que je ne pourrais pas échapper à ses griffes, je m’abandonnai au désespoir et me laissai tomber au sol.
Xie Lin s’avança vers moi. Il fit un pas, Qiong Qi le suivit aussi. La créature avait l’air extrêmement loyale.
C’était un bien étrange tigre. Il était immense, et son corps était couvert d’épines semblables à celles d’un hérisson. Qiong Qi était-il une ancienne bête mythique?
Mon esprit commença à errer.
Xie Lin me releva du sol et commença à m’examiner de la tête aux pieds.
Je tremblai et frissonnai de frayeur. Je suppliai sa pitié, sachant que cet homme méchant ne me relâcherait pas aussi facilement. Dans cette situation désespérée, je me rappelai d’une phrase que j’avais entendue d’un conteur, et je m’écriai d’une voix forte : « Si tu veux me tuer ou me punir, au moins écoute ton honneur! »
J’avais crié trop fort. Ma gorge se fendit, et ma voix se brisa, provoquant un son strident.
Xie Lin hocha la tête en approbation : « Tu es bien assez résolu, alors je vais d’abord te tuer, puis je vais te punir. »
En ravalant mes larmes, je le dévisageai avec haine.
Xie Lin fit une vague de la main, et tout d’un coup, la douleur qui m’élançait disparue sans laisser de trace.
Stupéfait, je me frottai durement le visage, mais je ne ressentais aucune douleur. Je remontai mes manches et exposai mes bras pâles et tendres, sans la moindre marque ou égratignure.
Je ne pouvais pas voir les blessures que je m’étais faites sur les épines et les chardons à l’instant.
Je me dis qu’il avait soudainement eu de la compassion et qu’il allait épargner ma vie, alors mon regard de haine se changea en gratitude.
« Qu’est-ce que tu regardes? » Xie Lian leva les sourcils, et dit sans émotion ni rancœur : « C’est les soins palliatifs offerts par le tyran démoniaque. »
Quand on tombe du ciel en enfer, on ne peut pas tomber plus bas.
Dès que les mots tombèrent, Xie Lin claqua des doigts. Qiong Qi entendit le son et bougea, s’approchant de moi. Il m’attrapa par la nuque, puis se tourna vers son maître pour recevoir une récompense.
Je pouvais sentir sa salive couler dans mon dos, et sentir son haleine qui puait horriblement.
Je n’osai pas bouger par peur que si je luttais pour me déprendre, je me ferais avaler en une bouchée par Qiong Qi.
Mais sa salive avait une odeur si nauséabonde que j’avais envie de vomir.
Je dis à Xie Lin, les yeux pleins de larmes : « Je suis horriblement sale, peux-tu ne pas me manger? »
Xie Lin était particulièrement satisfait de mes paroles cette fois, et il acquiesça.
Je voulais lui dire de demander à Qiong Qi de me relâcher, mais je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche. Le méchant tyran dit : « Je te ramène comme otage au royaume démoniaque. »
[1] Environ 1 km