Je suis tombé de l'ennemi juré de mon premier amour, Romans
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Chapitre 3 – Comme le connard le plus insupportablement arrogant au monde

Traduction française par Tian Wangzi

Je croyais que le royaume démoniaque était une grotte sinistre, terrifiante et vicieuse, caché dans un coin humide d’une région inhabitée, si sombre que même la lumière du soleil ne pouvait y percer.

Mais à présent, je voyais bien que ce n’était pas le cas.

Sur un immense lac, la brume était épaisse, et la rive était à peine visible. Il y avait des nymphéacées colorées, claires et transparentes, époustouflantes.

Un imposant palais se dressait près du lac, brillamment décoré et splendide. Du premier coup d’œil, on se croirait dans un conte de fées.

J’étais secrètement ébahi par le fait que cet endroit était infiniment mieux que le mont Cuiwei.

Qiong Qi m’attrapa par la nuque, s’envola au-dessus du lac et atterrit devant le palais.

Je luttai pour me dégager, souhaitant retourner au sol, mais alors que Qiong Qi éternua, je fus éjecté dans les fleurs.

Je roulai dans les fleurs, couvert de pétales colorés. En levant la tête pour voir le regard dédaigneux de Xie Lin posé sur moi, je m’empressai de me relever.

Xie Lin s’avança vers la porte du palais avec Qiong Qi, et je suivis derrière eux, de plus en plus lentement. Regardant aux alentours en silence, je cherchais une occasion de m’enfuir.

Alors qu’il sembla écarquiller les yeux, Xie Lin dit : « N’y pense même pas, puisque tu es entré dans mon domaine, tu ne peux pas t’enfuir. »

Je fus surpris par le son soudain de sa voix, et j’arrêtai sur le coup de regarder aux alentours.

Le gardien de la porte posa un genou au sol et salua respectueusement Xie Lin en plaçant ses mains en coupe.

Je me cachai derrière Xie Lin et le regardai secrètement. Je remarquai que les gens du royaume démoniaque ressemblaient à des humains, ils n’étaient pas laids comme Niu Tou[1] et Ma Mian.

Tout au long du parcours jusqu’à la chambre de Xie Lin, de nombreuses personnes allaient et venaient, tous s’informant de mes origines.

Xie Lin répondait sans se fatiguer : « C’est le nouveau baobei[2] que j’ai trouvé aujourd’hui. »

Il souriait simplement et me pinçait la joue pour que je leur sourie.

J’étais terrifié à mort, alors j’étirais le coin de mes lèvres, maintenant la courbe figée.

Certaines personnes s’avançaient vers Xie Lin sans le saluer, lui parlant avec familiarité. Xie Lin ne s’en souciait pas, répondant négligemment quelques phrases.

Ça semblait être un nid de serpents et de rats, sans distinction entre les rangs sociaux.

Je m’interrogeai intérieurement, et avant d’entrer dans le hall de la chambre interne, je ne ralentis pas.

Le hall était extrêmement somptueux, avec plusieurs perles nocturnes incrustées au plafond qui émettaient une douce lumière. Les larges sièges étaient recouverts de couvertures moelleuses, et le cadre du lit était simple et fait de bois de poirier trempé dans l’océan, il semblait très solide.

La mousseline de soie rouge sombre ondulait sans vent, exposant les étagères derrière. Toutes sortes de rares trésors y étaient exposés, et j’en reconnus quelques-uns; des os de dragon, des perles nocturnes, des fleurs de mille automnes… et d’autres trésors que je n’avais jamais vus auparavant.

Xie Lin me fit une pichenette sur le front, se moquant de mon ignorance quant aux trésors de ce monde.

Je voulais le réfuter, j’avais vu plus de trésors dans l’océan et aucun d’eux ne se trouvait sur les berges, mais après y avoir réfléchi un instant, je ravalai mes paroles.

À l’extérieur, quelqu’un appela « Xiao Dianxia[3] ». Il semblait y avoir d’autres paroles, mais dites trop rapidement pour que je puisse comprendre.

Lorsque Xie Lin entendit l’appel, il sembla un peu anxieux et quitta les lieux sur le champ, me laissant seul dans la chambre.

Xie Lin disparut en un instant. Soupirant de soulagement, je m’assis au sol pour réfléchir.

J’étais tout sale, mais je ne savais pas où aller me laver. Quand Xie Lin allait revenir, je ne savais pas ce qui allait m’arriver. Je commençai à me dire qu’après tout ce temps, le mont Cuiwei devait bien avoir réalisé que j’avais disparu, mais je ne savais pas quand Zezhou-xianjun allait venir me sauver.

Je réfléchis pendant la petite moitié d’un shichen. Mon estomac grondait famine; j’étais un être humain normal, j’avais besoin de me nourrir. Sur le mont Cuiwei, il y avait une petite cuisine spécialisée où je pouvais manger. La femme qui cuisinait m’avait dit que c’était sous les ordres de Zezhou-xianjun.

Zezhou-xianjun me traitait vraiment bien, même s’il était à des milliers de li, il n’oubliait pas de prendre soin de moi.

Le ciel était complètement noir, et je ne pouvais plus me retenir. J’avançai sur la pointe des pieds jusqu’à la porte et poussai doucement pour regarder par la légère fente.

Il n’y avait personne à l’extérieur, seulement une lune pleine accrochée dans le ciel.

Affamé et téméraire, je passai la porte. Doucement et silencieusement, j’avançai le long du corridor sans trouver de cuisine.

Alors que je revenais sur mes pas, je faillis être repéré. Un groupe de soldats apparut soudainement au détour d’un coin. Je me collai contre le cadre d’une imposante porte rouge, n’osant pas bouger.

Les soldats passèrent, et je pris soudainement conscience de l’intérieur de la pièce derrière moi. Je pouvais entendre une cacophonie de voix, mélangées au rire de Xie Lin.

Je me collai à la porte pour écouter. C’était vraiment Xie Lin. Craignant qu’il ne m’attrape, je m’empressai de fuir en silence.

Au moment où je reculai d’un pas, la porte s’ouvrit en grinçant.

Xie Lin était debout, un pied sur un tabouret et une pièce à la bouche, comme s’il était le connard le plus insupportablement arrogant au monde.

Par surprise, ils jouaient au pai gow[4].

L’homme en face de lui m’aperçut et dit à Xie Lin : « Retourne cette chose d’où elle vient, ne provoque pas les mortels. »

Voyant l’espoir, je m’empressai sur mes petites pattes pour m’accrocher au bras de cet homme juste en pleurant : « À l’aide! Aidez-moi! »

Un autre homme m’attrapa et se couvrit le nez avec dédain : « Tu es sale, ne te colles pas sur mon maître. »

Je refusai de lâcher alors que je continuais à pleurer.

Le maître dont il parlait avait un bon tempérament. Il ne semblait pas me détester, et il me parla gentiment.

Ce maître était grand et droit, aussi chaleureux que le jade. J’appris plus tard qu’il s’agissait de Xie Ji, le Er Dianxia[5] du royaume démoniaque.

Son subordonné, Xun Xi, me dévisageait d’un regard menaçant. Il provenait d’une famille humble, et il était sauvage et difficile à apprivoiser. Il n’écoutait que les ordres de Er Dianxia.

Xie Lin mordillait encore la pièce, et le lustre de l’éclat de jade qui se réverbérait sur son visage lui donnait un air particulièrement maussade.

J’avais quelqu’un pour me soutenir, quelqu’un qui n’avait pas peur de lui. Restant près de lui, je suppliai Xie Ji de me renvoyer au mont Cuiwei.

 Xie Ji caressa mes cheveux sales, mais Xun Xi lui attrapa la main, l’appelant à voix basse : « Dianxia. »

Le ton était à la fois sombre et froid, me faisant frissonner.

L’instant suivant, il ne restait que Xie Lin et moi dans la pièce.

Xun Xi avait osé ouvertement défier son supérieur, et je décidai que si je devais le recroiser à l’avenir, je ferais mieux de faire un détour.

Er Dianxia ne servait à rien. Il se laissait menacer par ses propres hommes, et il me laissa sans dire un mot, me laissant affronter seul une situation aussi périlleuse.

Je le regrettais, vraiment. Je n’aurais pas dû demander de l’aide à des personnes non fiables. L’expression de Xie Lin était horrible, il allait me manger!

Dans des situations extrêmement stressantes, il est aussi possible d’être affamé. Mon estomac gronda, brisant la lourde atmosphère.

Xie Lin ouvrit la bouche et dit sans expression : « Petit, tu es doué pour prétendre. »

Quand il m’appelait « petit », je n’osai pas le réfutai, alors je lui donnai raison : « Ce petit a faim, j’aimerais manger un peu. »

Xie Lin ne se retint pas, il éclata de rire et demanda : « Qu’est-ce que tu veux manger? »

Dès que j’entendis son rire, je sus que le danger était temporairement retiré.

J’avalai ma salive, et sans réprimer mon désir, je lui dis les yeux brillant d’espoir : « Je peux avoir une cuisse de poulet? »

Ce soir-là, je mangeai six cuisses de poulet. Ils ne savaient pas comment élever les poules, au royaume démoniaque, mais les cuisses de poulet étaient tout de même plus grosses que mes petits bras. À la bouche, elles étaient tendres, épicées et délicieuses.

Je mangeai jusqu’à ce que mon ventre soit bien rond, marcher ensuite me demandait de gros efforts.

Xie Lin demanda : « Est-ce que Su Zezhou te maltraite, habituellement? Il ne te donne pas de cuisses de poulet à manger? »

« Devant son bien-aimé, il est normal d’agir de manière réservée. »

Xie Lin dit simplement : « Quand Su Zezhou viendra payer ta rançon, tu lui donneras le compte des cuisses de poulet. Ici, au royaume démoniaque, on n’accepte pas les pertes. »

Je racontai un paquet de cajoleries jusqu’à être à court de salive, et enfin Xie Lin accepta à peine de m’aider à cacher les faits à Zezhou-xianjun.

Je m’empressai de le supplier de ne rien raconter de tout ça à celui qui m’avait adopté pour m’élever et faire de moi son mari.

Xie Lin m’avertit : « Satisfais-toi de ce que tu as, arrête d’en demander plus. »


[1] Niu Tou est une créature humaine à tête de bœuf, et Ma Mian est une créature humaine avec un visage de cheval. Ce sont les deux gardiens de l’au-delà dans la mythologie chinoise.

[2] Un terme qui veut à la fois dire “trésor”, mais aussi utilisé en terme affectueux, comme “chéri” ou “mon chou”, “mon bébé”

[3] Jeune Majesté

[4] C’est un jeu de hasard, la plus ancienne forme de domino répertoriée dans l’histoire

[5] Seconde jeune majesté

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