Traduction française par Tian Wangzi
Xie Lin me demanda avec suspicion : « Pourquoi cet hypocrite de Su Zezhou est aussi important pour toi? »
Je ne pouvais pas supporter qu’il dise du mal de Zezhou-xianjun, alors je rétorquai immédiatement : « Zezhou-xianjun n’est pas un hypocrite! Il pense toujours à tout le monde, et il n’y a pas plus gentil que lui! »
Xie Lin se moqua et dit d’un air pensif : « C’est ça, il pense bien à tout le monde. »
Je relâchai tous mes coquillages au sol, me disant que je ne lui en donnerais pas un seul.
« Encore plutôt fâché? » Xie Lin me lança un regard. « D’accord, on ne parle plus de ton Zezhou-xianjun. »
La surface de l’océan fut graduellement absorbée par l’obscurité.
J’avais faim.
Mais je venais de me disputer avec Xie Lin, il n’allait sans doute pas me porter attention.
Je m’assis sur la plage, les genoux relevés contre ma poitrine. En regardant la mer majestueuse, la peine emplie mon cœur.
Sachant que j’avais faim, je le laissai dire quelques injures contre Zezhou-xianjun.
De toute façon, Zezhou-xianjun ne pouvait pas l’entendre.
Lorsque je lançai subtilement un regard à Xie Lin pour la cinquième fois, il ouvrit la bouche : « Qu’est-ce que tu regardes? »
J’hésitais à parler, mais il continua : « Si tu as faim, va pêcher des poissons dans la mer. Je ne t’aiderai pas, petit loup qui lève les yeux au ciel. »
En l’entendant, je me sentis un peu honteux. Alors, je me relevai et m’avançai vers l’océan.
Même si j’étais un humain maintenant, mon habitude avec la proximité de l’eau n’allait jamais changer.
J’avançai de quelques pas, mais Xie Lin m’arrêta.
« Avec tes petits bras et tes petites jambes, tu vas te noyer dès que tu vas entrer dans l’eau. Attends ici. » Il me repoussa sur la plage, et alors qu’il s’éloignait, il me demanda : « Quel genre de poisson tu veux manger? »
Je criai : « Plus de viande, moins d’arrêtes. »
Xie Lin rit : « Tu es toujours difficile. »
Xie Lin ne s’approcha même pas de la surface de l’eau. Il lança un sort, et les poissons dans l’océan s’empressèrent de se jeter sur la plage. Il en ramassa quelques-uns, et d’une vague de sa manche, il renvoya les autres dans l’océan.
Au-dessus de la flamme allumée sur un cristal, Xie Lin tournait un poisson sans se presser, et rapidement, le parfum de la viande cuite emplit l’air.
Je ne pouvais que ravaler ma salive.
« Ça sent bon? » demanda Xie Lin.
Je m’empressai de hocher la tête et de lui demander : « Je peux le manger? »
Je mangeai trois poissons. Xie Lin me regardait, une main posée sur le sable, le corps appuyé vers l’arrière, le visage souriant. Il dit : « Tu manges encore plus que Qiongqi, tu dévores ta nourriture comme un rapace affamé. »
Je fis un rôt et mangeai plus lentement.
En imitant l’apparence de Zezhou-xianjun, je redressai mon dos, et avec élégance, je découpai gentiment un morceau de poisson.
Xie Lin dit que je ne faisais que prétendre, mais que ça restait agréable à regarder.
Je n’avais aucun scrupule, alors je continuai à manger sans restriction.
Au milieu de la nuit, Xie Lin s’entraînait. Je n’avais rien à faire, alors je me reposai contre lui pour dormir.
Rapidement, je me plongeai dans un cauchemar.
J’étais tombé dans la grotte des serpents, avec les serpents entremêlés qui grouillaient, leurs yeux vicieux en triangle écarquillés fixés sur moi, leur souffle glacial. Ils avaient la couleur du sang frais.
Un immense serpent s’enroula autour de moi et me serra comme si je n’étais qu’une brindille. Les autres serpents s’empressèrent sur moi de toutes les directions, leur gueule ouverte avec une haleine de poisson.
J’étais pris de sueurs froides, et alors que j’allais être tué dans la gueule des serpents, Xie Lin apparut. Il les tua de son épée, me sortit de la grotte et alluma un feu, brûlant tous les serpents dans la grotte jusqu’à ce qu’il ne reste que des cendres.
Mes jambes tremblaient, et je pleurais à chaudes larmes en me jetant dans ses bras, lui disant que j’avais tellement eu peur, que les serpents m’avaient fait tellement mal.
Xie Lin essuya mes larmes et dit doucement : « N’aie pas peur, c’est juste un rêve, réveille-toi. »
Dès que j’entendis les mots, sa silhouette disparut et j’ouvris les yeux pour voir les étoiles et la lune sur la toile du firmament.
Alors, c’était un rêve. Heureusement que c’était un rêve.
Je remarquai une fraîcheur sur mon visage, et en étirant la main pour toucher, je sentis que c’était des larmes.
Xie Lin étira la main pour les essuyer, effaçant les marques humides.
Cette fois, ce n’était pas un rêve, c’était la réalité.
Xie Lin dit en se moquant : « Ton rêve semblait si réel. »
Je ne réfutai pas et acquiesçai en silence.
Lorsque Xie Lin me tira du cauchemar des serpents pour la troisième fois, il réalisa que quelque chose n’allait pas et me demanda la raison de ces cauchemars.
Je lui racontai toute l’histoire.
Xie Lin me regarda comme on regarde avec haine le fer qui n’est pas devenu de l’acier[1] : « Comment peux-tu être aussi stupide?
S’il n’y avait personne derrière ce nouveau disciple, comment aurait-il pu te provoquer sans raison? C’est quoi le nom de ce chien? Celui qui n’arrête pas de t’intimider. »
Je répondis : « Lu Yan. »
Xie Lin : « Tu as été intimidé à ce point, et Su Zezhou n’a puni que le bouc émissaire sans chercher plus loin même si tu as été traumatisé à mort.
N’importe qui de perspicace saurait que l’attaque a été incitée par quelqu’un d’autre. »
Naturellement, je le savais, je n’étais pas aveugle.
Mais ma vie ne valait pas grand-chose, et il était déjà difficile d’avoir un endroit où vivre. Comme pourrais-je faire payer durement à ces précieux fils de nobles familles?
Peut-être que c’était à cause des émotions qui s’écoulaient de mes yeux, mais Xie Lin ne se moqua pas de moi cette fois.
Je me reposai sur le socle de jade dans le jardin, regardant distraitement le soleil.
Le second jour, Xie Lin avait fait apparaître un petit palais d’une dimension parallèle du royaume démoniaque et l’avait posé sur la plage. Il était bien plus petit que le vrai palais dans le royaume démoniaque, mais il était complètement équipé.
Le jardin était rempli de délicates fleurs jaunes qui brillaient au sol, une scène magnifique.
Xie Lin s’approcha avec une jarre de vin. Il donna un coup d’épée d’un mouvement de poignet, coupant un paquet de fleurs pour embellir sa lame.
Lorsqu’il me la tendit, l’épée ne ressemblait plus à une épée, elle ressemblait plutôt à une chaîne de fleurs, très jolie.
Xie Lin dit : « Je n’ai pas de bonbons, mais ces fleurs sont mangeables et il y a du miel dans leur cœur. »
Les pétales étaient encore couverts de rosées, se balançant doucement au gré de ses mouvements.
Je lui demandai : « Comment sais-tu… »
Xie Lin était visiblement fier de lui : « Ce prince sait tout. »
Le nectar était plus doux que le miel, et la douceur glisse toujours des lèvres au cœur.
En mangeant, soudainement je ne pus empêcher mes larmes de couler, chacune s’empressant pour glisser et mouiller mon col.
Xie Lin fut stupéfait un moment, puis dit immédiatement : « Pourquoi tu pleures? Tu ne pourras pas finir de manger ce jardin de fleurs avant de mourir. »
J’essuyai mes larmes du revers de la main et levai la tête pour le regarder.
Xie Lin me regarda, et après un moment, il détourna la tête pour éviter mon regard.
Sa voix était un peu féroce : « Ne pleure pas, éponge laide! »
Je serrai les pétales dans ma main, essayant de retenir mes larmes. Mais plus je m’y efforçais, plus mes larmes coulaient. Au final, mes larmes se déversèrent de manière totalement incontrôlable.
Croyant qu’il m’avait fait peur, Xie Lin rassembla un large bouquet de fleurs, les posa devant moi et m’encouragea à manger et à cesser de pleurer.
J’enterrai ma face dans le bouquet, et je demandai à Xie Lin pourquoi il me donnait du nectar à manger.
Xie Lin : « C’est quoi cette question? Tu veux manger des sucreries, je n’en ai pas, alors je te donne du nectar en remplacement. Pourquoi toutes ces questions? »
À partir de ce moment, je me dis que dans le monde, Xie Lin était la deuxième meilleure personne pour moi. La première était ma mère, et la troisième était Zezhou-xianjun.
Je cessai de pleurer. Je choisis dans le bouquet la plus belle fleur à laquelle je retirai les pétales avant de la tendre à la bouche de Xie Lin.
Le nectar laissa des taches orange et jaunes sur ses lèvres.
Xie Lin me lança un regard et la mangea en silence.
Après un long moment, je lui demandai : « Est-ce qu’on va mourir ici? »
Xie Lin me caressa la tête, de bonne humeur, et dit : « Tu ne vas pas mourir. Quand j’aurai trouvé la sortie de cette dimension secrète, on pourra rentrer. »
[1] Traduction littérale, idiome signifiant du ressentiment pour quelqu’un qui ne répond pas aux attentes, et qu’on attend toujours de voir de l’amélioration.