La Femme passe en premier, Romans
Laisser un commentaire

Chapitre 57 – Le meilleur onguent

Traduction française par Tian Wangzi

 

« Jun Qing! » Jing Shao s’empressa de le soutenir. En voyant le sang couler à nouveau de sa blessure, il l’apaisa d’une voix douce : « Ne t’inquiète pas. Comme j’ai dit, appliquons d’abord l’onguent, puis on discutera du reste. »

« Je veux utiliser ce genre d’onguent. » Mu HanZhang chercha son souffle et leva son regard vers lui. Le départ était imminent, et le moindre mouvement un peu brusque faisait se rouvrir sa blessure, donc il ne pouvait pas du tout suivre sur le champ de bataille. Il devait alors vite se remettre sur pied.


« Non! » Jing Shao essuya avec précaution les perles de sang avec sa serviette, puis appliqua l’onguent de la petite bouteille de jade sur la blessure pour arrêter le saignement. « On peut encore rester un jour, puis on préparera le départ des rations avant nous. »

Mu HanZhang ferma les yeux : « L’armée ne peut pas être retardée. Si tu insistes à le faire, ton père impérial te blâmera, et j’irai personnellement demander à être puni. »

« Jun Qing… » En l’écoutant parler ainsi, Jing Shao sentit son cœur se serrer. S’ils se rendaient jusque-là, comment pourrait-il le laisser demander à être puni? Il dit durement : « Je connais par cœur les affaires de l’armée… »

« Tu les connais par cœur! » Mu HanZhang le dévisagea du regard. « Tout peut rapidement changer sur le champ de bataille, et même si tu connais l’art des anciens prophètes, tu ne peux pas savoir ce qui va se passer. Puisque tu es le commandant en chef, tu es responsable de la vie de ces 100 000 hommes, comment peux-tu agir de façon aussi arbitraire pour tes propres intérêts! »

Ces beaux yeux étaient remplis de fierté et de détermination. Jing Shao le regarda en silence un long moment avant de lentement pincer les lèvres.

Il comprit enfin pourquoi il avait une telle impression de sécurité avec Jun Qing. À part pour toutes les choses de sa vie précédente, cet homme avait ses propres idées et sa propre détermination, il n’était pas touché par son favoritisme, et il n’agissait pas avec imprudence en sachant qu’il avait son soutien. Alors, Jing Shao pouvait le chérir avec tout ce qu’il avait, sans craindre de le gâter, et sans craindre de perdre sa voie.

« Ma vertueuse femme a raison, ce mari va suivre ses ordres. » Jing Shao se pencha vers lui en souriant et déposa un baiser sur ses joues gonflées de colère.

Mu HanZhang était tellement surpris par lui, tous les arguments qu’il avait préparés se coincèrent dans sa gorge, et il le regarda stupéfait un long moment avant de reprendre ses esprits et de le dévisager. Il regarda cet homme qui devenait de plus en plus effronté, et au final, il n’arriva plus à rester en colère. Il dit en soupirant : « Je suis un homme, ne me crois pas si délicat. »

Jing Shao sourit sans rien dire. Même si le corps de Jun Qing avait été fort et qu’il avait été incomparable en arts martiaux, il s’inquièterait quand même. Il se leva pour aller chercher une petite fiole sombre, et hésita un moment en la tenant à la main.


« Wang Er avait aussi de bonnes intentions. Même s’il est peu perspicace et souhaite rapidement avoir des bénéfices, tu ne peux pas le tuer pour ça! » En se souvenant que Jing Shao venait de donner l’ordre de tuer quelqu’un, il s’empressa de l’en dissuader.

Jing Shao retira le couvercle de la fiole. Il se dit que ses gardes écoutaient toujours ses ordres, donc la tête de Wang Er devait déjà être tombée depuis un bon moment, mais il n’osa pas lui dire. Il acquiesça seulement vaguement et étudia avec attention la blessure. L’onguent de la petite bouteille de jade avait fondu, le sang ayant à peine arrêté de couler. Il avait essayé ces deux onguents, et ils n’étaient pas incompatibles, alors il pouvait l’appliquer directement.

« Il vaut mieux crier de douleur, ne te mords pas. » Jing Shao lui caressa le dessus de la tête, il n’avait toujours pas le cœur de le faire.

Mu HanZhang hocha légèrement la tête. En voyant qu’il était toujours réticent à lui appliquer l’onguent, il dit de sa voix douce en ricanant : « Si tu n’es pas rassuré, enlace-moi. »

En l’écoutant, Jing Shao se dit qu’il avait raison. Si Jun Qing avait mal, il pourrait se mordre la langue, mais il pouvait aussi lui tendre son bras pour qu’il le morde lui. Alors, il s’assit à la tête du lit, et avec précaution il le prit dans ses bras, versa un peu d’onguent translucide, et l’appliqua du bout des doigts en tremblant légèrement.

« Ah… » Au moment où il appliqua l’onguent, Jing Shao sentit l’homme se crisper dans ses bras. Ses lèvres pâles étaient légèrement entrouvertes, et un bas gémissement de douleur se coinça dans sa gorge d’où ne sortit aucun son. Des perles de sueurs coulèrent une à une, mouillant les cheveux soyeux sur ses tempes.

« Jun Qing, dans un instant, ça ne fera plus mal, ça ne fera plus mal… » Jing Shao caressa doucement ses joues. Il aurait tout donné pour pouvoir échanger leurs places.

Mu HanZhang ne s’attendait pas à ce que ça fasse si mal! Lorsque cet onguent était appliqué, c’était comme si d’innombrables fines aiguilles lui transperçaient la peau, la douleur faisait s’assombrir ses yeux. La douce voix à son oreille le réconfortait gentiment, et graduellement la douleur s’amenuisa. Il vit une lumière blanche flotter devant son visage, puis peu à peu le visage de Jing Shao devint clair, ses beaux yeux remplis d’inquiétude sur le point de se déverser. Il voulait sourire pour le réconforter, mais il arriva à peine à soulever le coin de ses lèvres que soudainement, tout devint noir.

En voyant que l’homme dans ses bras s’était évanoui sous la douleur, Jing Shao était si anxieux qu’il arrivait à peine à respirer. Il ouvrit lentement cette main qui le tenait avec tellement de pureté, et déposa un délicat baiser sur ce visage pâle. Lentement, il posa l’homme sur le lit et prit une serviette pour éponger la sueur qui avait coulé sur son front, son cou et sa nuque.

Il reprit ses esprits, et Jing Shao réalisa que son propre front était couvert de sueur. Il s’essuya le visage, puis recouvrit avec une couverture l’homme sur le lit.

« WangYe, le garde de droite a empêché la mise à mort de Wang Er, et ce subordonné a enfermé Wang Er en prison, » dit un garde à voix basse en entrant. « Cependant, ce subordonné a trouvé ceci sur Wang Er. » Il tendit une feuille de papier à Jing Shao.

Même si Jing Shao était insatisfait que les gardes n’aient pas terminé leur travail, comme ça, il n’aurait pas d’explications à donner à sa WangFei. Il garda le silence en prenant ce que le garde lui tendait et y jeta un œil. Il aurait mieux fait de ne pas regarder, puisque cette feuille le fâcha au point où il avait envie de tuer Wang Er.

Rien n’était écrit sur le papier, il n’y avait qu’un portrait dessiné à la fine plume, et même si la technique de dessin était mauvaise, il était évident que l’homme représenté était incroyablement beau, portant des robes à larges manches, et une couronne de jade avec des rubans de soie bleue. Qui d’autre si ce n’était pas Mu HanZhang?

Il écrasa lentement la feuille dans sa main, serrant le poing. Alors, la scène d’aujourd’hui n’était pas accidentelle, ce Wang Er, il cherchait vraiment à gagner des faveurs! En regardant l’homme au visage sans couleur sur le lit, i se dit qu’à cause de la convoitise momentanée d’un disciple, il avait dû souffrir à ce point! Soudainement, Jing Shao était content de ne pas avoir tué Wang Er sur le coup, parce qu’il méritait bien pire qu’un simple coup d’épée!


Jing Shao leva la tête, et le regard sombre, il dit : « Va enquêter. Peu importe les méthodes utilisées, tu dois lui trouver un crime qui justifie la peine de mort. »

« Compris. » Le garde accepta l’ordre, et se retourna rapidement pour quitter les lieux.

« Attends. » Jing Shao arrêta ce petit garde qui avait récemment été transféré à son service et était encore aussi alerte : « Comment tu t’appelles? »

« Ce subordonné s’appelle Jiang Lang, » répondit le garde.

Jing Shao était surpris : « Alors tu es le fils du docteur Jiang? »

« Oui. » Jiang Lang semblait plutôt honnête, mais son esprit était vif : «  J’ai passé l’examen impérial en mars. Je vous suis reconnaissant, WangYe, pour ne pas m’avoir abandonné. Ainsi, j’ai pu être transféré à votre armée personnelle. »

À cette période, Jing Shao avait écouté sa WangFei et fait transférer ce Jiang Lang dans son armée pour gagner les faveurs du docteur Jiang. Mais c’était le chaos alors au palais, donc il avait rapidement oublié ce détail.


Jing Shao hocha la tête : « Vas-y, et dis au garde de gauche de venir. »

Lorsque le garde de gauche entra, le garde de droite entra en courant à sa suite.

Même si Wang Er cherchait de l’avancement rapide, il était plutôt évasif, et que ce soit avec les gardes ou les manutentionnaires, il était plutôt populaire. Alors, le garde de droite sentait que le mettre à mort arbitrairement ne ferait que refroidir le cœur des soldats, donc il avait empêché son exécution. WangYe semblait en être très en colère, alors il avait suivi pour avouer ses fautes, et tenter de le persuader en quelques phrases.

Jing Shao n’accorda aucune attention au garde de droite qui se trouvait très raisonnable et dit au garde de gauche : « Demain matin à la première heure, on lève le camp. Va faire les préparations. »

« Oui, » acquiesça le garde de gauche.

« WangYe, ce Wang Er… » Le garde de droite voulait continuer, mais avant qu’il puisse finir de parler, il vit WangYe prendre une serviette pour essuyer la sueur sur le front de l’homme sur le lit, puis replacer avec une telle douceur et tendresse le bras qui avait glissé hors de la couverture, des gestes qui n’avaient vraiment rien de semblable avec ce que ferait habituellement Cheng Wang pour « prendre soin » de ses subordonnés.

« Qu’est-ce que tu avais à dire? » Après avoir terminé ces gestes, Jing Shao se retourna vers le garde de droite.

« Ce… » Le garde de droite ouvrit la bouche, mais aucun mot n’en sortit. Il avait réfléchi un long moment, confus, après avoir vu la marque rouge dans le cou du conseiller militaire au matin, et maintenant avec les actes sans scrupule de WangYe, il ne pouvait plus prétendre ne rien savoir.

« WangYe, on vient de recevoir un message de la capitale. » Le garde de gauche les interrompit et lui tendit la lettre qu’il tenait à la main.

Jing Shao y jeta un œil, elle venait du manoir de Rui Wang, donc de son grand frère. Depuis son départ de la capitale, il recevait très peu de nouvelles, et il n’était pas du genre à écrire à son père l’empereur tous les jours pour dire qu’il allait bien comme le grand prince. Tous les trois à cinq jours, il écrivait un compte rendu de la situation, et l’empereur HongZheng répondait à chacune de ses lettres, mais c’était toujours en lien avec leurs affaires. Jing Chen semblait être occupé, et maintenant que Jing Shao était à l’extérieur de la capitale, pour éviter les doutes, il valait mieux ne pas rester trop souvent en contact.

Impatient de la lire, Jing Shao laissa tomber le garde de droite et demanda aux deux gardes de se retirer.

« Cher petit frère le troisième prince : Notre père impérial va bien, la famille va bien… » Le début était rempli de salutations polies, alors Jing Shao les sauta rapidement pour regarder la suite.

La lettre remplissait trois feuilles, et les nouvelles y étaient éparpillées.

Dans sa lettre, Jing Chen révélait que depuis leur départ, le détournement des fonds militaires par le ministère du Revenu faisait boule de neige, et de plus en plus de personnes étaient impliquées. Sept officiers au-dessus du troisième grade avaient été renvoyés, sans compter les officiers de grade inférieur. L’empereur HongZheng avait demandé une enquête approfondie, mais l’implication était trop grande, et rapidement le quatrième prince aurait pu être découvert, alors MaoGuo Gong avait mentionné qu’ils étaient en temps de guerre et que ce n’était pas facile de se concentrer sur cette affaire, qu’il valait mieux faire un grand coup, puis lentement laisser retomber la poussière.

Mais Jing Chen avait accompli en grande partie son objectif, par exemple, le ministre du Revenu qui n’aimait pas Jing Shao avait été rétrogradé, et Xiao Yuan avait été promu aide-ministre, alors que leur père l’empereur était déjà déçu du quatrième prince.

En fait, depuis le début de l’affaire, Jing Chen avait mené l’implication de la faction du quatrième prince, mais ces gens étaient préparés, et ils ne lui avaient pas facilité la tâche.

De plus, il avait une autre importante nouvelle à dire à Jing Shao. Des gens de la cour avaient des associations avec le roi du sud-est, et le roi du sud-est était probablement au courant de l’état financier actuel de la cour impériale.

Jing Shao ferma lentement la lettre. Alors d’abord, ça expliquait pourquoi le roi du sud-est avait envoyé des assassins après lui. Avec le déficit financier, si la guerre continuait ainsi et que le roi du sud-ouest tenait encore trois ans, la cour impériale ne pourrait pas soutenir la guerre prolongée. Il serait alors possible pour eux de négocier la paix.

Alors, s’ils le tuaient lui, le grand commandant, et qu’ils attendaient que la cour impériale s’occupe de la mort du prince sur le champ de bataille, ils pourraient étirer les changements de troupes et de commandant pendant plus d’un an.

« Hm… » L’homme sur le lit grogna légèrement et ouvrit lentement les yeux.

Jing Shao s’empressa de baisser la tête pour s’approcher : « Jun Qing, est-ce que ça fait encore mal? »

Mu HanZhang le regarda un moment, et ce n’est qu’alors qu’il se rappela qu’il avait perdu connaissance. Seulement, la blessure de son épaule ne lui faisait plus mal, il était bien plus confortable après avoir appliqué l’onguent. Il fronça les sourcils : « Je suis resté inconscient combien de temps? »

« Pas très longtemps, pas plus d’un demi shichen. » Jing Shao lui caressa la tête. « Il est passé midi. On se prépare à lever le camp aujourd’hui pour partir demain à la première heure. »

En l’écoutant, Mu HanZhang hocha légèrement la tête. Alors, ils n’allaient pas retarder le départ à cause de lui. Il tourna la tête et remarqua la lettre dans les mains de Jing Shao : « C’est une lettre de ton grand frère? »

« Comment as-tu deviné elle vient de qui? » Jing Shao sourit en l’enlaçant, puis il lui tendit la lettre pour qu’il la lise. « Je commence à me demander si tu ne sais pas vraiment lire dans les étoiles. »

Laisser un commentaire