Traduction française par Tian Wangzi
L’histoire du magistrat de Jiangzhou se termina sans problème. Après tout, Mu HanZhang n’était pas un de ces idiots qui testent les eaux en sachant très bien le danger encouru. En utilisant la stratégie de bouger le premier lorsque l’ennemi ne bouge pas, il avait mené une méticuleuse enquête. Maintenant que le magistrat de Jiangzhou était arrêté, la mise en place du commerce maritime pouvait commencer officiellement.
Il était déjà tard alors qu’ils rentraient, et le ciel était rempli de nuages colorés par le soleil couchant.
Mu HanZhang se reposa dans l’étreinte de Jing Shao, fasciné par le ciel coloré : « Petite Cuillère, j’ai quelque chose à discuter avec toi. »
« Quoi? » Jing Shao raffermit son étreinte. Avec ses soldats en arrière, il n’avait pas pressé le pas de Xiao Hei, le laissant librement avancer lentement.
« Je veux bâtir la supervision du commerce à Luzhou, » Mu HanZhang pinça les lèvres, « Après tout, c’est près du port, ce sera plus pratique pour les marchands. »
Jing Shao fit la moue en l’écoutant. Luzhou était loin de Pingjiang, alors s’il voulait y aller tous les jours, il devrait partir tôt et rentrer tard. L’empereur Hong Zheng lui avait donné un ordre de mort avant son départ, il ne pouvait pas perdre la ville de Pingjiang, alors il ne pouvait pas laisser Gu HuaiQing attaquer Pinjiang. Il ne pouvait que se battre de plus en plus loin de Luzhou.
« Je ne travaillerai que le matin tous les jours, et je rentrerai le midi. » Mu HanZhang tourna la tête vers lui. Il savait que Jing Shao ne voulait pas qu’ils soient séparés, alors il essaya de mentionner les arguments les plus plaisants pour l’amadouer. En fait, il aurait pu bâtir le bureau de supervision du commerce maritime à Pingjiang puisque Qin ZhaoRan pouvait s’occuper des petites choses et des affaires urgentes à Luzhou, mais en prenant compte de la fausse guerre entre Gu HuaiQing et Jing Shao, s’il montait le bureau au jardin Ruoshui, avec tous les vas et viens, ce serait risquer que quelqu’un ne remarque quelque chose.
« Jun Qing, » Jing Shao serra fort l’homme dans ses bras. « Est-ce que tu es encore fâché? »
« Hm? » Mu HanZhang était surpris, qu’elle était le lien avec son humeur?
« Je ne douterai pas de ce que tu fais avec Qin ZhaoRan, c’est vrai, » jura solennellement Jing Shao. « Je ne veux juste pas que tu travailles si fort tous les jours. »
En l’entendant mentionner Qin ZhaoRan, Mu HanZhang ne put que lever les yeux au ciel. Alors qu’il parlait de choses sérieuses, Jing Shao repartait sur une tangente, alors il se tut et cessa de lui porter attention.
Jing Shao baissa la tête pour regarder l’homme dans ses bras. En voyant qu’il avait fermé les yeux par fatigue, il serra avec mécontentement l’homme dans ses bras pour lui permettre d’être plus confortable pour dormir.
En rentrant au jardin Ruoshui le soir, Mu HanZhang était en effet très fatigué. Il alla se coucher directement après le bain. Xiao Huang avait aussi été lavé avec un doux parfum, et il prit l’initiative de suivre son maître pour sauter dans le lit. Depuis que Jing Shao avait blessé Mu HanZhang sans y faire attention, Xiao Huang se couchait entre les deux dans le lit comme une barrière. Ça faisait déjà un mois, et il ne voulait plus dormir dans le jardin dur et froid.
Lorsque Jing Shao sortit du bain, son visage s’assombrit en voyant la boule de fourrure jaune et noir sur le lit. Depuis le soir où il avait offensé Jun Qing, il avait recommencé à l’approcher, croyant que cette histoire était du passé, mais qui aurait cru qu’il laisserait le tigre monter dans leur lit tous les soirs? Le mois passé, tous les jours, il ne pouvait que regarder et caresser sans manger, le ciel seul savait à quel point ça le rendait malade.
« Jun Qing, je dois repousser Gu HuaiQing hors de Pingjiang dans les prochains jours, je rentrerai plus tard à la maison. » Jing Shao repoussa le tigre qui était bien écarquillé sur le dos avant de se coucher sur le lit.
« Hm. » Mu HanZhang était couché sur le côté, caressant la tête du tigre sans trop y porter attention. Le gros tigre avait les yeux plissés sous le confort, sa longue queue s’agitant d’un air détendu.
Jing Shao regarda misérablement cette main aussi lustrée que le jade, puis enterra sa tête dans le dos du tigre, ne pouvant que rêver que cette main le caresse aussi un peu.
Mu HanZhang lança un regard en coin à Jing Shao qui avait l’air misérable sans savoir pourquoi, alors il tapota sa tête avant de se tourner pour dormir.
Jing Shao tira les oreilles du tigre, l’air sombre. Xiao Huang lui montra les dents, puis, comme s’il voulait se vanter, il posa ses coussinets contre le dos de Mu HanZhang, s’y frottant la tête d’un air adorable, avant d’incliner la tête pour se préparer à dormir.
Jing Shao regarda fixement la boule poilue un long moment jusqu’à ce que le souffle de l’homme à ses côtés dans le lit devienne régulier. Puis, il attrapa sous le lit un morceau de viande séchée odorant qu’il agita sous le museau du tigre. Le tigre, qui ronflait d’aise, ouvrit subitement de grands yeux, regardant le morceau de viande séchée qui s’agitait devant lui. Mais lorsqu’il ouvrit la gueule pour l’attraper, le morceau de viande fut jeté au loin.
Le gros tigre sauta du lit pour attraper la viande. Jing Shao lui jeta un regard en coin, puis s’empressa de prendre sa place au centre du lit. Il étira la main avec précaution pour lentement prendre l’homme endormi dans ces bras. Mu HanZhang s’agita, mais ne se réveilla pas. Son corps mince et souple dégageait un doux parfum, et quelques mèches de cheveux reposaient dans son cou. Il dormait paisiblement.
Jing Shao enterra son nez dans ce cou chaud, inspira avec avidité, puis murmura : « Le champ de bataille s’éloigne de Pingjiang, si tu retournes à Luzhou, on passera de moins en moins de temps ensemble. Comment peux-tu être si cruel… » Grommelant, il serra davantage l’homme dans ses bras, caressa ses doux cheveux, puis s’endormit avec un air misérable.
Et l’homme dans son étreinte étira lentement le coin de ses lèvres en un sourire.
Le jour suivant, Mu HanZhang demanda à ce qu’on nettoie la cour frontale du jardin Ruoshui pour préparer sa conversion en bureau de supervision du commerce. Quant à Jing Shao, il envoya Xiao Huang au jardin Sheshui pour qu’il apprenne à chasser glorieusement avec le lion.
Au huitième mois de l’an 14 de l’ère Hong Zheng, Cheng Wang Jing Shao mena son armée privée au Jiangnan pour résister à l’invasion du roi du Huainan. Au départ, c’était une guerre pour retirer le fief, mais profitant de l’erreur du quatrième prince Jing Yu, le roi du Huainan avait pu envahir une partie du Jiangnan. L’empereur Hong Zheng avait ordonné le retour du quatrième prince et l’avait réprimandé en public devant toute la cour, avant de lui ordonner de se rendre au temple pour réfléchir à ses erreurs.
Au neuvième mois de la même année, Wen Yuan Hou découvrit que le magistrat de Jiangzhou exploitait le commerce maritime illégal et s’était monté une armée privée. L’empereur Hong Zheng demanda une enquête en profondeur, et des hommes à la cour accusèrent le grand prince d’être impliqué avec le magistrat de Jiangzhou.
« Dianxia, on est cousins, tu ne peux pas ne pas t’en soucier! » Le jeune maître de la famille du magistrat de Jiangzhou accouru au manoir du grand prince, pleurant avec amertume.
« T’es un idiot qui ne peut même pas se tenir debout, ce n’était qu’un érudit qui n’a même pas la force de soulever un poulet! » Jing Rong regarda froidement son jeune cousin agenouillé devant lui. « Tu vas y retourner, ce prince a ses propres arrangements. »
Après le départ de sa bruyante famille maternelle, le grand prince Jing Rong prit son pinceau pour écrire à la fin du pamphlet : « Ce fils est terrifié, je demande à l’empereur la mort du magistrat de Jiangzhou. » Puis, il frappa résolument le pinceau de jade sur la pierre.
Au dixième mois, les rénovations des docks de Luzhou furent complétées. Wen Yuan Hou Mu HanZhang dirigeait le bureau de supervision depuis le jardin Ruoshui à Pingjiang, se spécialisant dans l’achat et la vente de biens étrangers, et la collecte des taxes maritimes.
La guerre perdura jusqu’au douzième mois, lorsque toutes les cités furent reprises. Cheng Wang présenta son rapport à l’empereur, disant que puisque les soldats du Jiangnan avaient été sous les ordres du quatrième prince avant lui, les dommages faits aux chevaux et aux armes étaient considérables, alors il demanda à ce que le ministère du Revenu leur envoie plus de chevaux de guerre et d’équipements.
L’hiver n’était pas chaud au Jiangnan, et les fleurs du jardin Ruoshui se fanaient. Il n’y avait que quelques branches de pruniers qui fleurissaient encore.
Vers la fin de l’année, les bateaux marchands rentraient un à un, alors le bureau de supervision du commerce maritime avait bien plus de temps libre. Mu HanZhang passait donc plus de temps à la résidence pour superviser la préparation des choses pour la nouvelle année.
La ville de Pingjiang était prospère et en paix, les habitants n’étaient pas affectés par la guerre, tous s’afférant avec joie aux préparations de la nouvelle année.
Le roi du Huainan était bien connu au Jiangnan, alors quand les habitants avaient appris que c’était lui qui assiégeait la ville, ils n’avaient pas eu très peur. Au contraire, c’était en apprenant que Cheng Wang arrivait avec ses troupes qu’ils avaient été nerveux un moment.
« Demain, envoie quelqu’un préparer une soupe populaire à l’extérieur de la ville, » dit Mu HanZhang à l’intendant du jardin Ruoshui en regardant les comptes.
L’intendant était un habitant local, il en savait long sur la ville de Pingjiang : « Oui, HouYe. Seulement, les riches marchands de la ville préparent habituellement une soupe populaire devant leur propre résidence, pourquoi préparer la nôtre à l’extérieur de la ville? »
Mu HanZhang lui lança un regard : « Parce que tous ceux qui sont venus à Pingjiang pour fuir la guerre sont à l’extérieur des murs. »
L’intendant comprit immédiatement l’intention de WangFei, alors il alla remplir sa tâche. Dans les six derniers mois, les habitants avaient pu voir le style de Cheng Wang, en plus de la maintenance assidue de Mu HanZhang, alors ils avaient déjà une bien meilleure opinion de lui.
« La soupe de demain, je vais aussi aller en prendre un bol. » Une belle voix claire retentit derrière la foule, mais avant même d’avoir terminé sa phrase, une autre voix familière l’interrompit.
« Tu devras payer ton bol. » Jing Shao dévisagea cet homme qu’il n’avait plus vu rôder autour de sa WangFei depuis un moment.
Cet homme sourit et prit place comme bon lui semblait à table, devant Mu HanZhang. Bien sûr, c’était le roi du Huainan qui était supposé être bien occupé à se battre contre Cheng Wang.
« Vous avez enfin reçu l’argent de la capitale pour les vivres de l’armée, mais je ne sais pas s’il y en a assez pour payer ma part. » Gu HuaiQing prit un livre de comptes et se mit à le feuilleter en souriant.
« Bien sûr qu’il y en a assez, » Jing Shao reprit le livre de comptes et dit à sa WangFei : « Transferts directement les comptes et rends-lui dix taels d’argent. »
Mu HanZhang sourit, les lèvres légèrement pincées : « Vous restez tous les deux ici aussi ouvertement, faites attention à ce que personne ne vous voit. »
« Je viens chercher le petit gars pour l’amener au jardin Sheshui. » Gu HuaiQing tapota Xiao Huang, qui restait couché sur le dos près du feu, l’air découragé. Depuis la chute des températures, le tigre qui craignait le froid ne voulait plus s’éloigner du feu.
Lorsque Xiao Huang était arrivé au pavillon chaud du Jardin Sheshui, il avait retrouvé immédiatement son enthousiasme. Il s’était promené autour du jardin aux sources chaudes, bondissant à la recherche du petit lion qui dormait au centre du pavillon.
Le lion avait grandi plus lentement que le tigre, et maintenant Xiao Huang était plus grand que le petit lion. Le tigre s’était couché complètement sur le lion, l’épaisse fourrure cachant entièrement le lion au poil court, ne laissant que sa tête à découvert. Le petit lion ne pouvait pas se sortir de l’étreinte de Xiao Huang. En automne, Jing Shao l’y avait envoyé quelques fois pour apprendre à chasser, sauf que Xiao Huang n’apprit rien. Au contraire, il apprit du jeune lion un amour toujours plus grand pour les siestes.
En repensant aux deux boules de poils qui roulaient dans le jardin, Gu HuaiQing refusa l’argent que lui tendait Mu HanZhang : « On m’a dit que Dixu allait se lancer dans le commerce maritime, ce printemps? »
Mu HanZhang lança un regard à Jing Shao et dit lentement : « Pas vraiment, je vais juste ouvrir un pavillon Wanbo, le pavillon aux multiples trésors, pour aider les étrangers à échanger leurs marchandises. » C’était la porte d’entrée pour Mu HanZhang qui s’occupait du commerce maritime depuis six mois. Ces étrangers avaient voyagé sur terre et mer, ça leur avait déjà pris un temps considérable, ils ne connaissaient pas les gens du coin et ils ne savaient pas échanger les biens. De plus, la plupart des gens qui étaient dans le commerce maritime au Jiangnan était de petits marchands, ils ne pouvaient pas acheter tout un bateau de marchandise sur une courte période. Alors, il était prêt à financer l’ouverture du pavillon Wanbo à Luzhou, spécialisé dans l’échange de grande quantité de marchandises étrangères, pour ensuite les revendre à plus haut prix aux marchands de l’empire.
« J’investirai contre une part des profits, ça va? » dit Gu HuaiQing en souriant.
Mu HanZhang craignait que la part de Jing Shao ne suffisent pas, il avait pensé prendre les 100 000 taels d’argent que lui avait donnés sa mère, mais Gu HuaiQing avait la réponse à son urgent besoin : « Si Dage me fait confiance, naturellement, je ne pourrai pas refuser. »
« C’est vrai, Jing Chen a envoyé une lettre, récemment? » demanda Gu HuaiQing à la légère.
« Gege m’écrit tous les dix jours. » Jing Shao lui lança un regard en coin, et feignit ne rien savoir en demandant à sa WangFei : « La plus récente a dû arriver aujourd’hui, non? »
Mu HanZhang ne put s’empêcher de sourire, les lèvres pincées : « Elle est arrivée ce matin. » En parlant, il la sortit de sa manche.