Romans, Souillé
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Chapitre 64 – La douleur du cœur

Traduction anglaise par congeebrain

Traduction française par Tian Wangzi

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La terrasse Feiyao était décorée de lanternes en fleurs à de charmantes hauteurs irrégulières, tissées de bambou et de pâte de papier, comme une rivière d’étoiles brillant contre le ciel nocturne. La neige descendait sur le halo des lanternes, une légère couche voilant la laque rouge des balustrades gravées.

Deux femmes se tenaient entre les lanternes et la neige, une portant une robe rouge et un court manteau brodé de papillons, riant et racontant quelque chose, alors que l’autre portait une robe jaune brodée d’une scène de bambous et de pruniers fleuris, se tenant contre la balustrade rouge et levant la tête pour regarder une lanterne en forme de poisson.

Même si sa mémoire était déficiente, Gu Mang put presque immédiatement identifier la seconde comme étant Murong Mengze.

Juste avant, dans le hall du palais, il pouvait sentir que l’expression de Mo Xi n’était pas tout à fait juste. Il le connaissait depuis longtemps, et il ne l’avait jamais vu se préoccuper de personne, alors Gu Mang sentait que cette légendaire « princesse Mengze » devait être une beauté extraordinaire. Maintenant, en la voyant à travers la neige colorée comme un arc-en-ciel, il sentait que « beauté » était un terme trop superficiel comme description.

Les proportions féminines de Murong Mengze n’étaient pas extraordinaires, mais elle était mince, grande et élégante, et elle possédait un air de grande supériorité. La lumière des lanternes brillait sur son visage pâle et exquis, émettant un éclat similaire au jade. Sans mentionner sa nuque de jade qui sortait de son col comme la tige d’une fleur, mettant encore plus en valeur sa belle apparence.

« …Mengze. »

Murong Mengze se retourna, surprise, puis elle sourit : « Ah, Mo-dage. Ça fait longtemps. »

La femme en rouge à ses côtés était sa servante personnelle, Yue Niang. Cette dernière se montra aussi respectueuse envers Mo Xi, souriant : « Cette servante salue Xihe-jun, dix milles bénédictions à Xihe-jun. »

Mo Xi s’avança vers Mengze : « Que fais-tu là? N’as-tu pas froid? »

« J’ai récupéré au palais aux sources chaudes. Je peux seulement voir ces lanternes une fois par année. » Mengze sourit. « Ce n’est pas un problème. »

Puisqu’elle l’avait dit ainsi, Mo Xi ne savait pas comment continuer à insister. À ce moment, soudainement, une main se leva, touchant sa tempe.

« Rentre, c’est froid dehors. »

Le corps de Mengze était précieux, personne ne l’offenserait ainsi aussi facilement, alors elle recula inconsciemment d’un pas. Quand elle vit clairement qui était la personne derrière Mo Xi, son expression changea.

« Général Gu… »

Il avait déjà été l’homme le plus en mesure d’obtenir l’affection des demoiselles de Chonghua, alors dans les os de Gu Mang, il lui restait encore de la tendresse pour les femmes. Alors même s’il sentait un vague mécontentement en voyant la proximité entre Mo Xi et cette femme, il dit tout de même avec gentillesse : « La neige tombe sur toi, tes oreilles sont gelées, rouges. »

Murong Mengze fut momentanément sans mot.

Elle savait déjà la situation de Gu Mang avant son retour, mais être soudainement en contact aussi près avec le traître monstre, elle ne pouvait le supporter.

Le tempérament de Yue Niang était plus explosif; elle ne pouvait pas accepter une telle épine dans ses yeux et cria à Gu Mang avec colère : « Criss de traître, tu oses étirer tes sales pattes pour toucher la dame de ma famille? Sans toi à l’époque… »

« Ça suffit. » Murong Mengze la coupa doucement. « Ne dis plus rien. »

Yue Niang fit une grimace. « Princesse, pourquoi votre tempérament est-il toujours aussi bon… Je… Je me sens lésée pour vous! »

« N’importe quoi. » Murong Mengze parlait doucement, mais il y avait une puissance dans sa voix. « Yue Niang, cesse de faire une telle scène. Rentre d’abord te réchauffer. »

« …Oui… » Même si Yue Niang avait accepté contre sa volonté, avant son départ, elle jeta tout de même un dernier regard de haine à Gu Mang, les joues gonflées de colère.

Après avoir renvoyé Yue Niang, Murong Mengze se tourna pour demander à Mo Xi : « Maintenant, il… il vit dans ton manoir? »

La personne de qui elle parlait était évidente. Mo Xi acquiesça.

Murong Mengze baissa les cils en soupirant : « …Je ne veux pas trop en parler, tu as déjà été blessé. Il y a des choses pour lesquelles tu dois rester prudent. »

« Je sais. »

Gu Mang ne comprenait pas vraiment ce que Mengze voulait dire, il sentait seulement que puisqu’elle n’avait pas laissé la méchante dame continuer à lui crier dessus, alors elle devait être une bonne personne. Contre toutes attentes, à ce moment, une fleur de prune tomba d’un arbre près de la terrasse, se posant dans les cheveux de Mengze, alors Gu Mang étira la main, voulant la lui retirer…

Mais cette main ne put toucher à la princesse avant d’être attrapée et retenue par Mo Xi.

Gu Mang dit : « Une fleur est tombée sur sa tête… »

Mo Xi l’interrompit, ne montrant aucune vague dans sa voix : « C’est la princesse Mengze. Incline-toi. »

Mengze dit : « Oublie ça. Son esprit a été endommagé, ce n’est pas important s’il s’incline ou non. »

Gu Mang ne fit pas un son, ces yeux bleus observateurs, regardant Mengze puis Mo Xi. Au final, il baissa lentement la tête : « Je voulais seulement aider… »

« … » Mo Xi fit une pause, décidant de mettre fin à cette conversation. « Retourne au hall en premier. J’ai quelques affaires à discuter avec elle. »

Elle avait renvoyé sa demoiselle, il le renvoyait lui.

Au final, Yue Niang et lui étaient pareils, c’était eux qui se faisaient renvoyer?

Gu Mang regarda Mo Xi et Mengze sans faire un son. Après un moment, il se détourna en silence.

Il avait toujours été doux et accommodant envers les femmes avant de perdre ses souvenirs, et maintenant, ça n’avait pas vraiment changé.

Il avait toujours senti qu’elles étaient fragiles, délicates, belles, et qu’elles méritaient d’être protégées. De plus, il est était trop rude et brusque, un grand homme fort, alors il devait leur donner ce qu’il avait de meilleur, leur faire preuve de respect et de retenue.

Résultat, il sentait que ce que Mo Xi avait fait était juste. La princesse Mengze était une princesse, une femme extrêmement incroyable, et elle méritait encore plus la révérence et l’attention.

Et lui, il était sale, il était un esclave. Effectivement, il ne devrait pas la toucher.

Mais il ne savait pas pourquoi il se sentait triste au fond de lui. Il retourna au grand hall en frottant ses doigts gelés et ses oreilles… Maintenant, le hall était rempli d’invités, mais aucun ne lui était familier.

La situation lui donnait un sentiment profond d’impuissance, comme un chien qui a été jeté dans une contrée sauvage. Instinctivement, il se retourna pour chercher la seule personne sur qui il pouvait dépendre, Mo Xi, mais en se retournant, il réalisa que c’était ce dernier qui l’avait renvoyé.

Il n’avait nulle part où aller, il ne pouvait que regarder la porte de la terrasse d’un air vide, observant les deux silhouettes distantes sous les lumières.

Sous les lanternes en fleurs, Mo Xi penchait la tête pour parler à Mengze. Celle-ci riait tout au long, parfois toussotant un peu. Plus tard, il sembla que Mo Xi lui demandait quelque chose; Mengze leva une main pour se couvrir la bouche pour tousser, puis elle secoua la tête.

Ils étaient trop loin, alors Gu Mang n’entendait rien, mais les traits de Mo Xi étaient profonds. Il pouvait clairement voir ses expressions même avec cette distance.

Visiblement, Mo Xi soupira, puis il détacha son manteau militaire de cérémonie pour le passer à Murong Mengze.

Il ne lui drapa pas autour des épaules lui-même, et il ne fit pas un seul mouvement. Gu Mang ne savait pas pourquoi il sentait une soudaine douleur l’élançant dans son cœur devant cette scène.

Il fronça les sourcils, levant la tête pour presser contre sa poitrine… il n’eut pas le temps de réfléchir à ce qu’était ce sentiment que sa tête fut assaillie par un étrange dialogue –

« Shixiong, je t’aime vraiment. »

C’était la voix de Mo Xi, toujours avec la même jeunesse sincère que dans son rêve.

« Sa Majesté m’a nommé Xihe-jun. À l’avenir, je n’aurai plus à dépendre des envies des autres. Je ferai tout ce que je t’ai promis, je veux être avec toi de manière juste et légale. 

Gu Mang, je te donnerai une maison. Attends-moi, ok?

Crois-moi… »

Sa tête lui faisait de plus en plus mal, comme si un chardon faisait ses racines et ses pousses à l’intérieur avant d’être violemment arraché.

Les vieux mots ne s’étaient pas encore dissipés de ses oreilles, et sa vision se doubla.

À cause de cette peine, le dos de Gu Mang se courba, il se soutenait au cadre de la porte du balcon, baissant la tête pour chercher son souffle.

Il ne comprenait pas vraiment ce que signifiaient les mots dont il venait de se souvenir, tout comme il ne pouvait se souvenir de leurs conséquences, de la réalité derrière ces serments.

Mais ce genre de douleur…

Tout comme ses sentiments alors, ils étaient clairement gravés dans ses os, au point que son souffle semblait un peu obstrué.

Il sentit inconsciemment qu’il avait prévu ce genre de douleur, comme si par le passé, il avait prévu depuis longtemps un jour comme aujourd’hui, comme s’il n’avait jamais pris au sérieux le serment de Mo Xi.

Peu importe à quel point le futur que Mo Xi lui décrivait était beau, ce jeune homme dans ses souvenirs semblait vouloir utiliser sa vie, son cœur, son corps, sa passion et tout son amour pour prêter ce serment.

Gu Mang pouvait sentir qu’il avait déjà voulu y croire.

Il l’avait voulu au point d’en souffrir, de trembler, de se briser. Il avait voulu tenir la main de Mo Xi, rejeter toute prudence, ne plus se soucier des conséquences, seulement lui faire confiance et l’aimer.

Mais au final, il avait eu trop peur.

Mo Xi était bien aimé des cieux, un descendant de la noblesse de Chonghua, le quatrième d’une famille de généraux.

Alors que lui n’était qu’un petit personnage. Cet amour était trop lourd pour lui, il n’avait pas pu le soutenir jusqu’à la fin.

Il savait qu’un jour viendrait où Mo Xi grandirait, qu’il comprendrait, qu’il saurait que les sentiments qu’il avait pour lui n’étaient qu’une impulsion de sa jeunesse. Toute une vie, c’était long; la personne qui pourrait l’accompagner plus loin ne pouvait pas être une humble personne de naissance esclave.

Mais avec tous ces mots, il n’avait rien dit à Mo Xi, et maintenant qu’il s’en souvenait – en fin de compte, à l’époque, il avait peur.

C’était comme si les dire tout haut aurait été une défaite trop pathétique. Ce qu’il avait était très peu, il ne pouvait pas lancer ainsi son cœur sincère en plus.

Comparé aux nobles, son cœur ne valait pas grand-chose; il pouvait être blessé, on pouvait jouer avec lui, on pouvait le jeter, on pouvait même le réduire en poussière en le piétinant.

Mais pour lui, ce petit cœur était toute sa vie. C’était tout ce qui lui appartenait.

Alors Mo Xi pouvait l’aimer, il pouvait jouer aux tabous avec lui dans un moment d’impulsion brouillée.

Mais lui, il ne pouvait pas se permettre d’aimer. Le destin a sa propre hiérarchie. Même s’il ne voulait pas l’admettre, la vie était ainsi; il ne pouvait pas juste fermer les yeux pour se cacher de cette réalité.

Son destin était trop faible.

Ce que Mo Xi voulait, il ne pouvait pas lui donner.

Ce que Mo Xi lui donnait, il ne pouvait le supporter.

Le meilleur endroit pour lui était là où il était en ce moment, près de la terrasse, dans un coin tamisé et à l’écart, à regarder de loin des affaires amoureuses qui n’avaient rien à voir avec lui.

Puis, rire un peu…

Mais Gu Mang ne pouvait pas rire. Il savait vaguement qu’il devrait se sentir bien avec un sourire, qu’il avait ce profond instinct de protection envers lui; mais dans tous les cas, il n’était plus le général Gu de l’époque.

Il ne pouvait pas rire.

Il tourna la tête, n’osant plus regarder la scène sur la terrasse, fuyant vers les tables où l’eau s’écoulait pour y rester afin d’apaiser son cœur qui l’élançait douloureusement.

Après un moment, les invités du banquet augmentaient encore et encore. En tant que traître, seul dans son coin, Gu Mang ne pouvait pas éviter les regards des autres. Certains avaient de la rancœur pour Gu Mang, ses yeux s’accrochant à son corps. Si la situation ne les en empêchait pas, ils semblaient sur le point de se jeter sur lui pour le dévorer.

Se reprenant lentement, Gu Mang sentit que quelque chose n’allait pas. Il regarda tout autour de lui, ne voyant que des visages glaciaux et haineux, alors dans sa confusion, il prit au hasard des choses sur les tables et les serra contre sa poitrine. Comme un rat d’égout que tout le monde voudrait frapper, il s’enfuit prestement jusqu’à trouver un coin à l’écart où se recroqueviller.

Ce n’est qu’alors qu’il remarqua que les choses qu’il avait prises n’étaient pas savoureuses.

Sa capacité de récolter de la nourriture était vraiment terrible. Parmi toute une tablée d’aliments gastronomiques, ce qu’il avait attrapé n’était que deux pièces de crêpe aux échalotes et sésame.

Il y avait des échalotes, et c’était froid…

Mais rendu là, il ne pouvait pas faire la fine bouche. Gu Mang baissa la tête et prit de petites bouchées de la crêpe. Alors qu’il mâchait en silence, une voix chaleureuse et basse retentit soudainement derrière lui : « Gu Mang? Qu’est-ce que tu fais là? »

Gu Mang tenait la crêpe dans sa bouche, et il se tourna pour voir Jiang Yexue assis dans son fauteuil roulant en bois qui le regardait d’un air surpris.

C’était l’homme qui l’avait aidé à mettre le « collier »…

Gu Mang laissa tomber un soupir de soulagement. Il ne ressentait pas de haine pour cet homme, et il sentait même qu’ils étaient plutôt proches, alors il prit une bouchée de la crêpe et dit doucement : « Ici, je dérange pas les autres. »

Jiang Yexue savait avec quel genre d’attitude les autres le traitaient, alors il soupira : « Où est Xihe-jun? »

« Avec la princesse. »

« Ça explique pourquoi il t’a laissé seul… »

Gu Mang avala un morceau de crêpe, demandant lentement : « Pourquoi tu es là aussi? Les gens t’aiment pas non plus? »

Jiang Yexue sourit : « On peut dire ça. »

Il lança un regard au loin. Yue Chenqing brillait en parlant à son quatrième oncle, radieux et heureux, mais comme d’habitude, Murong Chuyi l’ignorait, l’air indifférent, peut-être ne l’écoutait-il même pas.

Jiang Yexue les regarda un long moment avant de détourner le regard en disant : « En effet, les gens ne m’aiment pas. »

Gu Mang se colla un peu plus pour lui faire de l’espace.

Tous les deux regardèrent en silence les flocons qui tombaient à l’extérieur. Gu Mang regardant soudainement ses jambes, lui demandant : « Pourquoi tu es toujours assis? »

« …J’ai été blessé au combat. Je ne peux plus me tenir debout. »

Gu Mang ne parla pas immédiatement. Il prit quelques autres bouchées de la crêpe, et vraiment, il ne pouvait plus tolérer le goût des échalotes. Il la passa soudainement à Jiang Yexue : « Tu en veux? »

Jiang Yexue : « … »

Après un moment de silence, Jiang Yexue soupira : « Tu es exactement le même qu’à l’époque. »

Gu Mang écarquilla légèrement les yeux : « Tu me connaissais avant? »

Jiang Yexue sourit : « … Qui sous ce ciel ne peut vous reconnaître[1]? »

Gu Mang dit : Je… comprends pas. »

« À l’époque, je te connaissais. Toi, Xihe-jun, Lu Zhanxing et moi, nous nous battions souvent ensemble sur toutes les frontières. » En parlant, Jiang Yexue lança un regard à la crêpe dans les mains de Gu Mang : « Tu nous passais aussi tout ce que tu ne pouvais pas finir de manger. »

Gu Mang le regarda fixement : « Alors, tu es aussi un vieil ami à moi? »

« Oui, » dit Jiang Yexue. « Nous avons partagé la vie et la mort ensemble. » Il soupira doucement : « Alors, je ne peux pas te détester. »

Gu Mang baissa les yeux : « Mais Mo Xi me déteste. »

Jiang Yexue rit doucement, ces yeux noirs qui observaient la nuit glissant avec tranquillité, mais brillait avec éclat : « Même si tu n’as pas tort, peut-être que la personne qui voudrait le moins te détester au monde, c’est lui. »

« …Vraiment? »

« Oui. »

Des flocons de neige s’accrochèrent au treillage de la fenêtre, brillant de l’orangé des lumières qui provenaient du hall du palais.

Jiang Yexue redressa son manteau d’hiver drapé sur ses épaules, admirant la neige avec Gu Mang en disant : « Il t’a déjà traité très bien, avant. »

Gu Mang ne fit pas un son.

La voix de Jiang Yexue était très chaleureuse et basse : « Si tu étais piégé, il risquait sa vie pour te sauver. Si tu étais sans connaissance à cause de tes blessures, il restait à tes côtés jours et nuits pour te veiller. Si tu recevais des honneurs ou des récompenses, il était plus heureux pour toi que n’importe lequel de ses accomplissements à lui. Si tu faisais des blagues… c’était une personne si sérieuse, il était toujours assis entre les autres soldats, mais il te regardait, il te regardait parler avec plaisir, et il était le premier à rire.

Mais tu as oublié tout ça. »

Au final, il était quelqu’un qui avait traversé la douleur, la souffrance, la vie et la mort; il n’avait pas d’émotions fortes mélangées au travers, il ne semblait y avoir que la tranquillité d’une discussion des événements passés avec un vieil ami.

Son ton et son expression étaient très légers.

Mais Gu Mang fut sous le choc en entendant ces mots. Il pouvait presque attraper certaines ombres floues, certaines miettes du passé – une petite taverne occupée et bruyante, l’atmosphère enthousiaste et chaleureuse, la clameur des soldats.

Il se tenait debout sur une chaise, souriant en se ventant et en discutant avec les autres.

Son champ de vision changea rapidement, ces visages jubilants et bruyants sous lui étaient flous, mais en levant les yeux, il pouvait voir le jeune assis près de l’armoire des liqueurs.

La taille et le dos droit, le regard tendre, concentré seulement sur lui, à distance de la foule animée.

Son rythme cardiaque à l’époque s’était agité à ce moment.

Tout comme les promesses dont il venait de se souvenir, même si par le passé, il avait choisi de refuser d’y croire, ça n’avait pas d’importance. Au moins, il pouvait sentir que Mo Xi était sincère quand il lui avait dit…

« Je t’aimais vraiment.

Je te donnerai une maison.

Attends-moi… »

Gu Mang ferma les yeux en silence.

Jiang Yexue continua : « Si tu ne l’avais pas abandonné, blessé, atteint ses limites et si tu ne t’étais pas dressé contre lui, comment pourrait-il te haïr? Il t’a toujours protégé, il a toujours été prêt à bloquer toutes les difficultés de l’extérieur – mais tu l’as poignardé par en dessous. »

Gu Mang frissonna jusque dans son cœur.

Est-ce que c’était vrai?

Est-ce que c’était comme ça…

Il repensa à la façon dont Mo Xi l’avait regardé alors qu’il agrippait fermement sa main, la poussant contre sa poitrine.

Mo Xi lui avait dit : « Tu m’as presque tué. »

« Le cœur des gens est fait de chair. Il t’a protégé trop longtemps; tout ce qu’il pouvait donner, il te l’a déjà donné. C’est un noble, l’un des jeunes maîtres de plus haute naissance à Chonghua, ses ancêtres se sont tous baignés dans les grands accomplissements, l’honneur de sa famille est incomparable, mais pour toi, il a presque tout fait ce qu’il n’aurait pas dû faire.

C’est le dernier coup que tu lui as donné qui a fait qu’il ne peut plus te protéger. »

Personne d’autre n’aurait dit de telles choses à Gu Mang, sans compter que si on lui avait dit il y a quelque temps, il n’y aurait jamais cru. Mais pendant cette période à interagir avec Mo Xi, en plus des événements passés dont il s’était rappelés récemment, tout ça devint un mélange embrouillé et confus dans l’esprit de Gu Mang alors que Jiang Yexue lui racontait tout ça.

Les yeux bleus de Gu Mang brillaient : « Pourquoi tu me dis tout ça? »

Jiang Yexue répondit : « J’ai déjà été ton camarade, ainsi que le sien. » Il réfléchit un moment, l’expression complexe : « Je ne veux plus vous voir vous blesser l’un et l’autre comme ça. »

Gu Mang resta assis un long moment, abasourdi, semblant saisir les dernières miettes pour expliquer ses erreurs du passé. Il dit avec énormément de vulnérabilité : « Mais il… il est très féroce. Il a dit que j’étais sale… »

« C’est parce que tu ignorais que ce qu’il déteste le plus, c’est d’être trahi. »

Gu Mang fut surpris : « Pourquoi c’est ce qu’il déteste le plus? »

Jiang Yexue y réfléchit un instant, puis dit : « Ce soir, je voulais juste parler un peu de manière nonchalante, mais… »

Il fit une pause, puis soupira. « Peu importe. Je t’en ai déjà dit la moitié, il n’y a pas de mal. Laisse-moi te demander, sais-tu comment son père Fuling-jun a perdu la vie? »

Gu Mang secoua la tête.

« C’était à cause d’un traître. »

Alors que Jiang Yexue parlait, il se tourna pour le regarder : « Fuling-jun affrontait les armées du Liao alors, mais il ne s’attendait pas à ce que son commandant adjoint trahisse le pays et pousse au désespoir la ville à côté de laquelle ils campaient. Il a été capturé vivant par ce traître alors qu’il aidait les citoyens à évacuer. »

Gu Mang écarquilla grand les yeux : « Et après? »

« Ce traître, pour obtenir les faveurs du dirigeant du Liao, a tué lui-même Fuling-jun, il l’a décapité et il a arraché son cœur spirituel pour le présenter à la nation ennemie. Pour ça, il a reçu de grandes récompenses – cet homme, comme toi à l’époque, a été immédiatement nommé général. »

Ces événements sanglants entrèrent dans ces oreilles, le poignardant au fond de son cœur. Les mains de Gu Mang tremblaient légèrement.

« Le plus ironique, c’est que dans la lettre que Fuling-jun n’a pas pu envoyer, il faisait les éloges de la loyauté de ce traître, en disant qu’avec ce frère, sa famille n’avait pas à s’inquiéter. » Jiang Yexue fixa ses propres genoux, soupirant : « Il a dit aussi, qui a dit que nous n’avions pas de vêtements? Nous partageons les mêmes robes du combat.[2] »

« …… »

« Fuling-jun avait mis la vie de sa famille dans les mains de cet homme, mais son frère n’a même pas laissé son corps intact pour sa famille. Quand le cercueil est arrivé en ville, la chair et le sang de Fuling-jun étaient dispersés, ses membres séparés du corps; il était mort sans un corps intacte[3]. » Jiang Yexue se tourna pour regarder Gu Mang qui était livide.

« Cette année-là, Mo Xi n’avait que sept ans. »

Gu Mang semblait s’être étouffé sur un morceau de brique, incapable de produire le moindre son.

« Gu Mang, comprends-tu maintenant pourquoi Xihe-jun déteste les traîtres? »

Jiang Yexue fit une pause avant de continuer.

« Ce que tu as fait, c’était presque la même chose que ce que l’homme qui a tué son père[4] a fait. »

Gu Mang le regarda d’un air vide, sentant seulement un frisson glacial dans ses os : « … »

« Pose-toi honnêtement la question, penses-y par toi-même. » Jiang Yexue soupira doucement : « Quel genre de saint faudrait-il être pour ne pas t’en vouloir? »

L’auteure a quelque chose à dire :

Heheh! Moi, Meat Hansan, est de retour[5]!

Oh, c’est vrai, le drama audio du second chien est fait par deux équipes, la première saison de l’une d’elles est sortie hier~~ Pour ceux qui sont intéressés, vous pouvez aller écouter~~ bisous!!

Gros chien et Gu Mangmang : [remercient les lecteurs jjwxc]


[1] Provenant d’un poème de Gao Shi de la dynastie Tang

[2] Une réplique d’un très ancien poème datant d’avant la dynastie Qin, décrivant la morale de l’armée unie contre l’ennemie

[3] Dans le folklore chinois, dans la vie après la mort, le corps du mort reste comme il est à sa mort. S’il n’est pas intact, il ne le sera pas non plus dans la vie après la mort, et cela peut avoir des conséquences graves sur la réincarnation.

[4] Dans la philosophie chinoise, le père et le respect du père est au centre même de la philosophie, un des piliers sur laquelle toute la société est fondée. La quête du fils pour retrouver l’assassin de son père afin de le venger et de rétablir son honneur est très souvent représentée dans la fiction. Il n’y a pas pire ennemi que celui qui a tué le père (encore plus s’il n’a même pas laissé le corps intact…)

[5] Un jeu avec une réplique connue du vieux film Sparkling Red Star (un film de propagande produit lors de la Révolution culturelle)

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